Mariage à la mode - Le Tête à tête Hogarth William

Le Tête-à-tête

Ensemble des six peintures

Dimensions

H. : 69.9 cm ; L. : 90.8 cm

Provenance

Royaume-Uni, Londres, National Gallery

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

Vers 1743

Lieu de conservation

Royaume-Uni, Londres, National Gallery

En quoi l’approche de Hogarth est-elle originale ? Que cherche à démontrer l’artiste ?

William Hogarth est considéré comme le fondateur de l’école de peinture anglaise. Il a vécu à Londres dans la première moitié du XVIIIe siècle et a décrit avec humour et réalisme les mœurs de son temps. Peintre et graveur, il s’est consacré essentiellement au portrait et aux sujets modernes et sociaux. Mariage à la mode, qui se compose de six tableaux image 9, appartient à cette deuxième catégorie, dans laquelle l’artiste révèle toute son originalité.

Comme un théâtre

Hogarth crée une narration en séquences successives, enchaînant les situations jusqu’à une conclusion morale. À chaque épisode correspond une œuvre différente, conçue comme un tableau vivant.

Hogarth lui-même se définit comme un auteur dramatique. Il écrit dans ses Notes autobiographiques : « Le tableau est pour moi la scène d’un théâtre où hommes et femmes sont mes acteurs qui, au moyen de certains gestes et certaines actions, sont censés présenter une pantomime. » La série Mariage à la mode s’inspire d’ailleurs d’une pièce de John Dryden, écrite en 1663 et racontant une union mal assortie aux conséquences tragiques.

Les toiles ont été conçues dès l’origine pour être reproduites en gravures. Celles-ci s’adressaient à un large public et ont immédiatement connu un grand succès.
Les six tableaux fourmillent de détails, qui sont des indices sur les circonstances de l’action et la psychologie des personnages. Le spectateur doit prendre le temps d’analyser chaque symbole et participe ainsi de façon active à la compréhension du récit.

Dans le premier tableau, intitulé Le Contrat de mariage image 1, la situation et les personnages sont présentés. Un noble désargenté s’apprête à marier son fils à la fille d’un riche négociant. Ces pères caricaturaux, animés uniquement par l’ambition et la cupidité, sont les vrais responsables du naufrage d’une union dénuée d’amour.
La scène se situe dans la luxueuse demeure de l’aristocrate. Le notaire est sur le point de faire signer le contrat de mariage aux deux parties. Le marchand le lit avec beaucoup d’attention. Le comte, le pied bandé car il souffre de la goutte à la suite de ses excès, montre avec fierté son arbre généalogique image 2. Les deux jeunes gens sont assis à l’écart et se tournent le dos. Le jeune homme, habillé à la dernière mode de Paris, s’admire dans un miroir. La jeune fille, indifférente, astique son alliance avec un mouchoir, tout en écoutant les conseils d’un jeune avocat qui deviendra son amant image 3.
Au premier plan, un couple de chiens attachés à la même laisse symbolise les liens contraignants du mariage image 4.

Un dénouement tragique

Dans le deuxième épisode, intitulé ironiquement Le Tête-à-tête par Hogarth, le couple apparaît peu de temps après le mariage image principale.
Le mari et la femme s’ignorent l’un l’autre, et on les devine épuisés par une nuit de débauche. La jeune femme s’étire avant de prendre son petit-déjeuner. Tenant dans la main un petit miroir, elle nous adresse un regard complice image b. Une méthode pour apprendre à jouer au whist et des cartes étalées nous laissent supposer qu’elle a passé sa nuit à jouer image c.
Son époux, affalé sur une chaise, a passé la sienne en galante compagnie. Le chien vient flairer une pièce de lingerie féminine qui dépasse de sa poche image d. Il a dû participer à un duel, comme l’indique son épée brisée image e.
Le décor chargé, mélangeant l’ancien et le moderne, nous renseigne sur son mauvais goût.
Dans la pièce voisine, des tableaux religieux accrochés aux murs voisinent avec un nu caché en partie par un rideau image f.
Un tableau représente Cupidon, le dieu de l’amour, jouant de la musique au milieu de ruines image g. Ce type de décor, inspiré par le rococo français, est ridiculisé par Hogarth, qui critique toutes les modes venues de l’étranger.
Dans les tableaux suivants, on s’approche peu à peu du drame final. Les jeunes mariés mènent des vies séparées, préoccupés avant tout par leurs plaisirs en toute immoralité. Le mari surprend sa femme avec son amant et le provoque en duel. Il s’agit du jeune avocat aperçu dans le premier tableau. L’amant tue le mari (épisode 5) image 7 et est condamné à mort pour ce crime. À cette nouvelle, la jeune comtesse, désespérée, se rend chez son père et se suicide, laissant un orphelin (épisode 6) image 8.

Une vision empiriste

Hogarth se place en moralisateur, critiquant les mariages arrangés comme les mauvaises mœurs de ses contemporains. Mais il ne se contente pas de faire une satire sociale virulente. Il appartient au siècle des Lumières et cherche à analyser dans un esprit scientifique le comportement humain pour le réformer. La dynamique des séries se rattache à la notion anglaise de progress : c’est une progression qui mène des causes vers les effets de manière inéluctable. Cette conception rationnelle du destin humain repose sur la démarche scientifique d’Isaac Newton et sur la pensée philosophique de John Locke. Ce dernier rejette la notion d’idées innées soutenue par Descartes. Il conçoit la personnalité humaine comme le résultat d’une suite d’expériences et de sensations. Cette nouvelle approche de la connaissance est qualifiée d’empiriste.

Hogarth, un style

Dans le domaine artistique, l’absence d’institution académique, et donc de tradition classique, en Grande-Bretagne laisse plus de liberté aux peintres anglais.
Hogarth publie un traité en 1753, L’Analyse de la beauté, où il exprime ses idées esthétiques basées sur le mouvement et la diversité des formes. Dans un esprit démocratique, il estime que la beauté est accessible à tous et ne repose pas sur l’imitation des modèles anciens. Elle peut être perçue différemment par chacun suivant sa propre trajectoire de vie et son ressenti.

D’une façon générale, l’art de Hogarth est représentatif de la modernité qui caractérise l’Angleterre du XVIIIe siècle. Le pays est à l’avant-garde du progrès : idées politiques libérales, naissance de l’industrie, nouvelle vision de la nature (les jardins anglais), nouveau genre littéraire (le roman).

Colette Féraudet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/mariage-la-mode-le-tete-tete

Publié le 13/07/2023

Ressources

Glossaire

Empirisme : L’empirisme désigne une théorie philosophique qui fait de l’expérience sensible l’origine de toute connaissance ou croyance et de tout plaisir esthétique. Défendu principalement par les philosophes anglais Francis Bacon (1561-1626), John Locke (1632-1704) et David Hume (1711-1776), l’empirisme considère que la connaissance se fonde sur l’accumulation d’observations et de faits mesurables, dont on peut extraire des lois générales.

Rococo : Style né en France sous le règne de Louis XV, prenant son inspiration dans la nature (coquilles, feuilles, etc.), caractérisé par ses lignes sinueuses et ses couleurs vives. En se répandant en Italie et dans les pays germaniques, il prend le nom de rococo.