Autoportrait Carriera Rosalba

Autoportrait

Dimensions

H. : 71 cm ; L. : 57 cm

Provenance

Technique

Dessin

Matériaux

Pastel

Datation

1709

Lieu de conservation

Italie, Florence, musée des Offices

Qui était cette artiste à la carrière internationale, qui mit à la mode la technique du pastel ?

Rosalba Carriera est une artiste vénitienne spécialisée dans l'art du pastel. Formée à cette technique dans l'atelier du peintre Giuseppe Diamantini, elle en devient bientôt une virtuose, ce qui lui permet d'être admise « au mérite » à l'académie de Saint-Luc, à Rome, en 1705. Sa renommée croissante lui ouvre les portes d'une immense carrière européenne. C'est à cette période qu'elle réalise ce pastel image principale.

L'artiste au travail : de la dentelle au pastel

Dans cette œuvre, Carriera, alors âgée d'une trentaine d'années, s'est représentée en buste, exécutant un portrait de sa sœur, Giovanna. L'artiste tient dans sa main droite un porte-mine dont dépasse un crayon de pastel blanc image b, apposant quelques touches à la surface du papier pour représenter la dentelle du col de sa sœur. Cet élément fait écho à la blancheur éclatante de la broderie du décolleté et de la manche droite de la pastelliste image c.

Cette attention particulière à la représentation de la dentelle renvoie à la première formation de Carriera. En effet, issue d'un milieu très modeste, elle a pratiqué, comme sa mère et beaucoup d'autres femmes, l'art de la dentelle sur l'île de Burano. La méticulosité que requiert cette technique fine et délicate la préparera à sa carrière de peintre miniaturiste Carriera, renommée notamment pour ses petites boîtes à tabac en ivoire, se spécialisera par la suite dans le pastel.

Minutie et force de caractère

L'artiste exécute ses œuvres au pastel avec une extrême rapidité, travaillant le plus souvent à même le support, sans dessin préalable. Cette vivacité apporte une véritable spontanéité au modèle. Avec Carriera, le pastel, pigments en poudre mêlés à un liant, acquiert enfin ses lettres de noblesse. En témoignent dans cet autoportrait le raffinement et le soin apportés aux effets de lumière sur les satins et soieries du vêtement image d.

L'artiste aborde les portraits sous l'angle de l'intime et de la psychologie. Au cours de ce siècle des Lumières, le pastel, sous la main de Carriera, suggère et révèle plus qu'il ne représente à la différence de la peinture à l'huile, l'individu et la personnalité du modèle priment sur sa fonction et son rang social. Dans cet autoportrait sans concession, l'artiste ose se représenter avec réalisme, sans idéalisation. La droiture du port de tête et la franchise du regard indiquent une grande force de caractère. Carriera assume pleinement sa position d'artiste.

Le succès parisien et la mode du pastel en France

En 1720-1721, Carriera est invitée à Paris par Pierre Crozat, trésorier des États de Languedoc, grand collectionneur et mécène, qui l'a rencontrée à Venise cinq ans plus tôt.

Peu après son arrivée à la capitale, l'artiste, déjà célèbre, est reçue à l'Académie royale de peinture et de sculpture sur proposition du peintre Antoine Coypel le 26 octobre 1720. Son morceau de réception, Jeune fille tenant une couronne de laurier, nymphe de la suite d'Apollon image 1, surprend par la fraîcheur des coloris et son velouté. Carriera y représente, comme souvent, un sujet en légère torsion.

Durant ce séjour de dix-huit mois, l'artiste lance la mode du portrait au pastel et devient bientôt la portraitiste la plus recherchée du Tout-Paris. Accablée de commandes, notamment celle du portrait au pastel du dauphin encore enfant, le futur Louis XV image 3, elle se fait assister par sa sœur Giovanna et peut-être son beau-frère, le peintre vénitien Antonio Pellegrini. De nombreux artistes, parmi lesquels Antoine Watteau, recherchent également sa société. Elle impressionne profondément le jeune Maurice Quentin de La Tour qui, quelques années plus tard, devient le « prince des pastellistes », se consacrant exclusivement aux portraits tel qu'en témoigne cette célèbre effigie de la marquise de Pompadour image 2 réalisée en 1752.

L'aristocratie européenne souhaite, elle aussi, se faire représenter par cette pastelliste sans égal. Carriera est invitée à Modène en 1723, puis à la cour de Vienne en 1730 au cours de ses voyages, elle réalise de nombreux portraits de souverains. Atteinte de troubles de la vue à partir de 1745, puis de cécité, elle diminue et cesse son activité elle décède à Venise en 1757.

En France, Carriera demeure longtemps la seule femme académicienne. D'autres prendront néanmoins le relai, comme Élisabeth-Louise Vigée-Lebrun, dont le père est pastelliste et qui sera reçue à l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1783.

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/autoportrait

Publié le 10/06/2021

Glossaire

Pastel : Bâtonnet composé de poudres colorées, de gomme arabique servant de liant et d’une terre destinée à donner de la consistance à la préparation. Désigne par extension une technique et son résultat. Le pastel est devenu à la mode au XVIIIe siècle

Académie de Saint-Luc : Académie des beaux-arts créée à Rome en 1577, en remplacement de l’ancienne corporation des peintres placée sous le patronage de saint Luc.