Frise des archers

Frise des archers

Palais de Persépolis

Auteur

Dimensions

H. 475 cm ; L. 375 cm

Provenance

Iran, Suse, palais de Darius Ier

Technique

Céramique, Moulage, Polychromie

Matériaux

Céramique siliceuse à glaçure

Datation

Règne de Darius Ier (522-486 av. J.-C.)

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Comment de simples briques, transfigurées par un décor coloré, sont-elles devenues l’expression du faste impérial de Darius Ier ?

Fondée au IVe millénaire av. J.-C. dans une plaine riche en eau, Suse est l'une des plus anciennes villes du monde. Elle est, dès le IIe millénaire av. J.-C., la capitale d'un puissant royaume appelé Élam, situé dans l'actuel Sud-Ouest iranien. L'Élam fut annexé par l'empire perse, territoire immense allant du Danube à l'Indus, et de l'actuel Ouzbékistan à l'Égypte.

Au début du Ve siècle av. J.-C., Darius Ier (522-486) est à la tête de cet empire. Dans la cité de Suse, il se fait bâtir un vaste palais. Celui-ci, édifié sur une colline, s'ouvre par une porte monumentale décorée notamment d'une grande statue du souverain image 1. Il est constitué principalement d'appartements royaux, répartis autour de trois cours, et d'une vaste salle d'audiences (apadana).

Ce panneau monumental de briques colorées image principale image b fait partie, avec d'autres image c, des vestiges les plus remarquables de ce palais aujourd'hui presque entièrement disparu. Il pourrait représenter certains des « Immortels », militaires qui constituaient la garde d'élite du souverain.

Des hommes en armes

Les briques colorées du décor du palais ont été progressivement découvertes par des archéologues français à différents endroits de l'édifice. Elles ont été ensuite réassemblées pour reconstituer les personnages ou les animaux (lions, taureaux ailés, sphinx, griffons image 4) représentés sur différents panneaux. Les briques ayant été trouvées éparpillées, l'emplacement et l'apparence exacts de ces décors restent hypothétiques.

Plus de vingt soldats ont ainsi été restitués. Sur cette frise image principale image b, des archers, de même taille, se suivent, calmes, évoquant un défilé d'individus en armes. Tous sont représentés de profil gauche, exceptés leurs yeux, de face – il s'agit peut-être d'une influence de l'art égyptien.

Ils portent chacun un arc aux extrémités en forme de tête de canard et un carquois image d. Ils tiennent dans leurs mains une lance image e, qui repose sur le pied de la jambe tendue en avant image f, pointe en haut image c.

Les visages sont identiques, pour la plupart bruns, barbus les cheveux sont bouclés et ceints d'un bandeau torsadé image d.

Chaque soldat porte des anneaux aux oreilles et un bracelet aux deux poignets image e. Ces bijoux rappellent ceux découverts dans une tombe de Suse, ornés de têtes d'animaux image 5.

Les archers sont vêtus de la longue robe d'apparat perse apparue sous le règne de Darius Ier. En temps de paix, elle est portée par le roi lui-même et ses dignitaires image 1. Ce vêtement, galonné, plissé sur les jambes et à larges manches obliques, est orné d'un soldat à l'autre soit de rosettes sur fond jaune, soit de tours crénelées sur fond crème. Les chaussures, souples, sont fermées par de fins lacets image f.

Un corps d'élite perse

L'identification exacte de ces personnages a donné lieu à différentes interprétations.

Le serre-tête tressé et la lance posée sur le pied incitent certains historiens à voir dans cette frise la représentation d'une troupe originaire d'Élam.

D'autres identifient ces personnages aux « Dix Mille », dits aussi les « Immortels », le corps d'élite perse. Hérodote en parlait en ces termes : « Si un des hommes venait à manquer, frappé par la mort ou la maladie, on lui choisissait aussitôt un remplaçant, et ils n'étaient jamais plus, et jamais moins de dix mille. » Cette célèbre garde du souverain pouvait porter des colliers d'or et de somptueux vêtements jaunes et rouges ornés de gemmes. Leurs lances étaient terminées par une boule en métal, en or pour mille d'entre eux, en argent pour les neuf mille autres. Dans les panneaux de Suse, le blanc de la base des lances pourrait représenter l'argent image f.

On retrouve ces soldats sculptés en relief sur certains murs d'un autre palais édifié à Persépolis pour Darius Ierimage 6 : alignés, figurés dans une attitude hiératique, ils suggèrent comme ici la puissance et la stabilité de l'Empire.

La technique de la brique à glaçure colorée

La Susiane, région de Suse, étant pauvre en pierre, la brique moulée a été utilisée pour des décors muraux dès le XIIe siècle av. J.-C., époque des rois d'Élam.

En Mésopotamie voisine, on en fabriquait de magnifiques exemplaires colorés et glaçurés. Les Perses, ayant conquis ce pays, ont découvert dans sa capitale Babylone, l'éblouissante Porte d'Ishtar, qui en était composée image 3.

Pour la construction de son palais perse, Darius Ier fait appel aux meilleurs artisans de l'empire. La charte de fondation du palais (une tablette inscrite découverte enfouie dans le soubassement) indique que des Babyloniens se trouvaient parmi eux.

À la différence de la technique mésopotamienne, les briques de Suse ne sont pas faites d'argile, mais de pâte très siliceuse. Le décor en relief de la brique est moulé, puis cuit. La pose des couleurs se fait ensuite en deux temps afin d'empêcher leur mélange : pour délimiter chaque plage colorée, de minces filets de pâte de verre sont ainsi appliqués sur le support afin de créer de petites cloisons, puis les différentes couleurs sont apposées. Celles-ci sont obtenues à partir d'oxydes métalliques : oxydes de cuivre pour le vert et le bleu pâle, oxydes de cobalt pour le bleu foncé, antimoniate de plomb pour le jaune. La brique subit enfin une dernière cuisson à haute température.

Suse subit des destructions dès la fin de l'empire perse, et ne survit pas à l'invasion mongole au XIIIe siècle.

Aujourd'hui, les plus beaux vestiges de la résidence impériale sont conservés au musée du Louvre. En plus de la Frise des archers, le musée expose notamment un chapiteau colossal de pierre calcaire constitué de deux taureaux adossés image 2.

Sylvie Cuni-Gramont

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/frise-des-archers

Publié le 09/07/2020

Ressources

Alexandre Bigot, « Les frises du palais de Darius et leur fabrication (Ve siècle avant l’ère chrétienne) », Comptes rendus de l’Académie des sciences et belles-lettres, 57, 4, 1913, p. 274-280

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1913_num_57_4_73217

L’histoire de la ville de Suse sur Wikipédia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Suse_(Iran)

Glossaire

Perse : Ancien nom de l’Iran, notamment pendant l’Antiquité.

Achéménides : Première dynastie impériale de la Perse antique.

Mésopotamie : « Le pays entre les fleuves ». Nom donné par les Grecs dans l’Antiquité à la plaine située entre le Tigre et l’Euphrate. Cette région correspond à l’Irak et à une partie de la Syrie actuels.

Chapiteau : Sommet sculpté de certaines colonnes.

Glaçure : Sorte de vernis (siliceux), transparent ou opaque, appliqué sur des céramiques afin de les imperméabiliser ou/et les décorer.

Silice : Quartz (pierre transparente et incolore) pulvérisé.

Hérodote : Historien grec du Ve siècle av. J.-C., qui voyagea à travers le territoire de l’ancien empire perse.