Les Trois Âges de la femme Klimt Gustav

Les Trois Âges de la femme

Auteur

Dimensions

H. : 180 cm ; L. : 180 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1905

Lieu de conservation

Italie, Rome, Rome, Galerie nationale d’Art moderne et contemporain (GNAM)

Ces deux femmes représentées nues dans un lieu étrange portent-elles en elles un secret ? La vie serait-elle menacée ?

Représentant majeur du renouveau artistique qui s'affirme à Vienne en Autriche autour de 1900, Gustav Klimt a créé un style original où priment les valeurs symboliques et l'aspect décoratif. Ce peintre appartient au symbolisme, un mouvement littéraire, puis artistique apparu en Europe vers 1880, qui défend deux idées majeures : l'inspiration vient du plus profond de l'être, et l'artiste doit révéler son monde intérieur.

Klimt, peintre de la femme

Au tournant du XXe siècle, l'image traditionnelle de la femme est ébranlée par les débuts d'un mouvement d'émancipation et des changements dans sa représentation. Klimt invente un nouveau type féminin, bien éloigné de l'esthétique officielle. Le tableau Les Trois Âges de la femme image principale en témoigne, plus particulièrement l'image de la jeune mère saisie dans une sérénité rêveuse. Sa silhouette est longue et fine, sa peau claire. Une chevelure rousse encadre son visage anguleux et maigre image b. Parée d'un voile transparent aux arabesques sensuelles, elle incarne la femme séductrice. Observer sa beauté alors que ses yeux sont clos laisse une impression mêlée de plaisir et de gêne. La charge érotique des femmes imaginées par Klimt dissimule souvent une nature inquiétante. Elles incarnent un véritable danger quand il représente des héroïnes de la Bible comme Judith ou Salomé, les coupeuses de têtes.

Le symbolisme : suggérer plutôt que raconter

Le peintre met en scène la femme pour montrer la fragilité nouvelle de l'être face au monde contemporain. Il rend ainsi visible l'état émotionnel intime au-delà de l'apparence. Il la représente aux trois âges qui rythment son existence : enfant, adulte et vieille image c. Au-delà des corps marqués par le passage du temps, c'est de la vie, de la sexualité et de la mort, thèmes que Klimt aborde de manière obsessionnelle, dont il est ici question. Ce tableau présente le même caractère énigmatique que les œuvres provocantes qu'il réalise à la même époque pour l'université de Vienne, où sa vision pessimiste s'exprime pour la première fois. Sa démarche est contemporaine de celle de son compatriote Sigmund Freud, qui développe alors la psychanalyse. Le format carré du tableau fait songer à un fragment dans un tout vaste et mystérieux, sans repère spatial. La composition repose principalement sur des formes géométriques pures et abstraites. Selon l'historien de l'art Aloïs Riegl (1893), le procédé apporte ordre et repos face à la confusion que présente l'image du monde. Le tableau évoque un espace cosmique où se jouent le devenir, l'épanouissement et le déclin de la vie. Les corps, emportés malgré eux par une force ascensionnelle, sont enveloppés dans des sortes de bulles décoratives qui les absorbent par endroits. Les cercles qui les ornent font penser à des cellules, des ovules peut-être, assurément des symboles de vie et d'énergie, alors que le vide noir évoque le silence et la mort image d.

Un style moderne

Klimt a inventé un langage artistique qui manifeste sa révolte contre les tabous et contre le carcan d'une société conservatrice. Même s'il dessine les personnages avec une précision minutieuse, comme le montrent ses portraits image 1, et qu'il donne au modelé des corps un aspect émaillé et photographique, il se détourne délibérément de l'idéal de beauté classique. Le personnage de la jeune mère est stylisé image b. Aux ondulations de la chevelure s'oppose un corps aux formes lisses, aux contours appuyés. En revanche, il décrit avec un réalisme cru et de façon presque médicale le déclin physique de la femme âgée image e. Cette image, qui a scandalisé à l'époque, lui a peut-être été inspirée par la sculpture de Rodin Celle qui fut la belle Heaulmière image 2. Les figures perdent le rôle prestigieux qu'elles revêtaient dans la peinture d'histoire. Leurs regards sont absents, et les corps sont emportés malgré eux. Les plans géométriques remplis de motifs décoratifs dominent dans le tableau. Le peintre libère avec un goût raffiné les matières précieuses et les ornements : triangles colorés, spirales, surfaces dorées, argentées et cuivrées, parsemées de petites perles que forme la matière picturale travaillée en relief. Le tableau coïncide avec le début du « style doré » de Klimt, fortement inspiré par les effets et les matières précieuses de la mosaïque ainsi que par les objets japonais.

La Sécession viennoise

Réunis par l'idée de changer la société par les arts, des artistes forment en 1892 le groupe dit de la « Sécession viennoise », actif jusqu'en 1906. Leur intention est d'opérer une fusion des disciplines artistiques, incluant musique et théâtre, et d'ouvrir les frontières entre l'art et l'artisanat. En 1897,Josef Maria Olbrich construit à Vienne le pavillon de la Sécession image 3. Au-dessus de l'entrée figure une devise en allemand du critique d'art Ludwig Hevesi qui signifie « à l'époque son art, à l'art sa liberté ». Disposés sur la façade à gauche de l'entrée, les mots Ver Sacrum (« printemps sacré » en latin) renvoient au titre d'une revue fondée par les artistes de la Sécession, éditée de 1897 à 1903. Membre fondateur et président du groupe, Gustav Klimt y affirme ses convictions. Au raffinement et à la modernité de ses peintures répond la production très soignée de la Wiener Werkstätte et de créateurs de meubles et d'objets d'art comme Joseph Hoffmann image 4. Cet atelier viennois continua à inspirer d'autres peintres comme Kokoschka et Schiele image 5, même après leur passage du symbolisme à l'expressionnisme. S'ils reprennent certains principes décoratifs de Klimt qu'ils vénèrent, ces peintres tendront dans leurs tableaux à laisser la marque du chaos dans lequel bascule la société du début du XXe siècle. La Sécession rêve de l'œuvre d'art total qui puisse combiner l'architecture, l'aménagement intérieur et la peinture. Cette union des arts trouve un bel aboutissement avec le palais Stoclet de Bruxelles, pour lequel Klimt a composé le célèbre Baiser.

Isabelle Majorel

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/les-trois-ages-de-la-femme

Publié le 27/11/2013

Ressources

Sur le palais Stoclet de Bruxelles

http://whc.unesco.org/fr/list/1298/

Les Trois âges de la femme sur le site web de Google Art Culture

https://artsandculture.google.com/story/8QVBXs2pR3BlKg?hl=fr

Glossaire

Symbolisme : Mouvement littéraire et artistique de la fin du XIXe siècle dont les adeptes préféraient l’évocation du monde de l’esprit à la description de la réalité.

Expressionnisme : Tendance artistique qui naît en Europe centrale à la fin du XIXe siècle et qui met à l’honneur la libre expression des passions et des formes, en réaction à l’académisme et à l’impressionnisme.

Judith : Héroïne de l’Ancien Testament (livre de Judith), très souvent représentée dans l’art occidental. Tentant de sauver son peuple, elle séduit Holopherne, général des armées babyloniennes de Nabuchodonosor, et profite de son sommeil pour le décapiter.

Salomé : Dans le Nouveau Testament (Matthieu, XIV ; Marc, VI), nièce du roi Hérode qui aurait dansé devant lui afin d’obtenir la tête de saint Jean-Baptiste.

Mosaïque : Art qui consiste à réaliser de grands panneaux décoratifs, à l’aide d’une multitude de petits cubes (tesselles) de divers matériaux (pierre, céramique, verre) et de diverses couleurs, disposés sur un enduit. C’est un décor privilégié sur les sols et les murs des grands édifices publics et des riches demeures.