Lampe brûloir

Lampe brûloir

Auteur

Dimensions

H. 10,6 cm ; L. 22,4 cm ; P. 3,2 cm

Provenance

Grotte de Lascaux (Montignac, Dordogne)

Technique

Sculpture

Matériaux

Grès rose

Datation

Paléolithique supérieur, Madgalénien, vers 18000 av. J.-C.

Lieu de conservation

France, Les Eyzies, musée national de Préhistoire

Comment peindre dans les profondeurs des grottes obscures ? Pourquoi la lampe de Lascaux fait-elle figure d’exception ?

En France, le feu a été domestiqué par l'Homo erectus au cours du Paléolithique inférieur entre 450 000 et 400 000 ans av. J.-C. Cette acquisition constitue une étape majeure de l'évolution de l'humanité. Il est difficile de savoir à quel moment précis les hommes sont passés de l'observation d'un feu naturel à son utilisation et à sa domestication. La preuve de la maîtrise du feu est la multiplication des foyers sur des sites comme celui de Pincevent [ image 5 ]. La maîtrise du feu va considérablement améliorer les conditions de vie de ces chasseurs-cueilleurs. Ils peuvent désormais cuire leur nourriture, se chauffer, se protéger des animaux. Le feu est utile à la chasse pour rabattre le gibier. Il aide à tailler la pierre. En outre, il favorise la cohésion sociale. L'apparition de l'éclairage portatif associé à des foyers fixes a permis le développement d'un art pariétal incomparable. Le 8 juillet 1960, l'abbé Glory découvrit dans la grotte de Lascaux en Dordogne cette lampe exceptionnelle en grès rose [ image principale ]. Elle se trouvait au pied de la paroi ornée de la fameuse scène où, devant un bison éventré par une sagaie, un homme à tête d'oiseau paraît tomber [ image 1 ].

Pas de luminaire sans feu

Il existe principalement deux méthodes pour produire du feu : Il peut être obtenu par la percussion d'un silex et d'une pierre contenant du minerai de fer comme la pyrite de fer. Cela provoque des étincelles capables de mettre le feu à un récepteur qui est souvent un morceau d'amadou. (L'amadou provient d'un champignon parasite des vieux arbres.) Ce matériau a la particularité de brûler lentement et de pouvoir enflammer une touffe d'herbes sèches. La deuxième méthode consiste à frictionner deux morceaux de bois. De la sciure se forme qui, associée à la chaleur, finit par s'embraser. Cette friction peut être facilitée à l'aide d'un archet.

Une lampe en grès exceptionnelle

Dans la grotte de Lascaux ont été retrouvées un grand nombre de lampes. Ce sont surtout des godets naturels ou de simples plaquettes en calcaire [ image 4 ] qui ont été utilisés pour les réaliser. Parmi elles, une lampe se démarque des 500 autres exhumées à ce jour. Elle a été façonnée dans un beau grès rose qui ne se trouve pas naturellement dans la région. Originaire de Corrèze, cette pierre a sans doute été roulée jusqu'en Dordogne par les flots de la Vézère. Pour les chasseurs-cueilleurs, ce grès devait représenter un matériau noble et donc adapté à la production d'objets prestigieux. Cette lampe a été façonnée par piquetage, technique à laquelle le grès, moins dur que le calcaire, se prête bien. Une fois le cuilleron creusé, les contours ont été régularisés par raclage, puis par un fin polissage bien visible au dos [ détail b ]. Le grès était déjà connu comme conducteur de chaleur, d'où la présence d'un long manche qui évite de se brûler lors de la prise en main. De tous les luminaires recensés, moins d'une trentaine sont munis d'un manche.

Un décor résolument abstrait

Les exemples de lampes ornées sont rares. À la différence de celle provenant de la grotte de La Mouthe, gravée d'un bouquetin [ image 2 ], le décor du manche de la lampe de Lascaux est abstrait. Il est constitué de sortes de chevrons emboîtés [ détail c ]. Il est difficile de donner un sens à ces signes, mais l'on ne peut nier qu'il s'agisse de l'expression d'une pensée symbolique. Qu'ils soient ponctuations, quadrillages, barbelés ou chevrons, les motifs ont été tracés dans le but de communiquer. Ils peuvent être considérés comme des témoignages de concepts, d'idées. En outre, leur utilisation répétée sur de longues périodes indique un caractère intentionnel. Ce type de signe se retrouve ailleurs sur les parois de la grotte et sur des sagaies [ image 3 ]. Cela n'est sans doute pas un hasard. En effet, il y a corrélation entre l'art pariétal et l'art mobilier.

Comment fonctionnent ces lampes ?

Apparues au cours du Paléolithique supérieur (35000-10000 avant J.-C.), ces lampes fonctionnaient avec de la graisse animale dans laquelle trempait une mèche faite de végétaux (lichens ou brins de genévrier) tressés. L'expérimentation prouve que 40 grammes de graisse, ce qui est très peu, suffisent à produire une heure d'éclairage. Lors de la découverte de la lampe à Lascaux, la cuvette contenait encore des restes de charbons de genévrier et des cendres de conifère qui attestent son utilisation. L'abbé Glory pensait qu'elle avait pu servir aussi à faire des fumigations, d'où son nom premier de brûloir.

S'éclairer pour peindre

Les premiers savants à étudier les grottes ornées au XIXe siècle pensaient que l'homme préhistorique ne savait pas s'éclairer. Ils ont donc refusé de lui en attribuer le mérite. En réalité, l'homme de Cro-Magnon disposait de différents systèmes d'éclairage, portatifs ou non, qui lui ont d'abord permis d'explorer les galeries souterraines puis d'y réaliser de grandes peintures murales. Il a aussi utilisé des torches de bois qui ont laissé des marques sur les murs des cavernes comme du noir de fumée ou des traces de mouchage aux endroits où il les a frottées pour les éteindre. Les torches ont l'avantage par rapport aux lampes d'éclairer davantage dans toutes les directions, mais leur durée de vie est beaucoup plus limitée. De nombreuses particules charbonneuses retrouvées dans la grotte de Lascaux sont peut-être des vestiges de torches. Enfin, si pour se déplacer une seule lampe ou torche suffit, il en va autrement pour peindre un long panneau. Les lampes ne diffusant qu'une lumière équivalente à celle d'une bougie, les hommes établissaient, en plus, des foyers fixes capables d'éclairer sur environ dix mètres.

La lampe de Lascaux, séduisante par son grès rose et par le soin apporté à son façonnage et à son décor, apparaît comme un objet hors du commun. Cet élégant luminaire a pu être utilisé dans le cadre de cérémonies particulières.

Mots-clés

Christine Vève

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/lampe-bruloir

Publié le 21/05/2015

Ressources

Le musée national de Préhistoire aux Eyzies-de-Tayac

http://musee-prehistoire-eyzies.fr/

Visite de la grotte de Lascaux dans son ensemble

http://www.lascaux.culture.fr/#/fr/00.xml

Voir des œuvres au musée d’Archéologie nationale

http://www.musee-archeologienationale.fr/

Voir Histoiredesarts.culture.fr

http://histoiredesarts.culture.fr/

Glossaire

Art pariétal : Décor réalisé sur une paroi rocheuse.

Art mobilier : Pour la période préhistorique, ensemble d'objets transportables qui constituent le support d’un décor, que ces objets soient utilitaires ou non.

Paléolithique : ou « âge de la pierre ancienne ». Première période de la Préhistoire qui, en France, s’étend entre 800 000 et 10 000 ans av. J.-C. environ. Elle est marquée par l’arrivée des premiers hommes : c’est l’époque des chasseurs-cueilleurs nomades.