L’Harmonie triomphant de la Discorde, L’Immortalité devançant le Temps Récipon Georges

L’Harmonie triomphant de la Discorde

Dimensions

H. : 600 cm ; L. : 600 cm ; Pr. : 600 cm

Provenance

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze

Datation

1898-1901

Lieu de conservation

France, Paris, Grand-Palais

Deux magnifiques quadriges s’envolent des frontons du Grand Palais. Commandée par la République pour l’Exposition universelle de 1900, que signifie cette mise en scène ? 

Deux spectaculaires quadriges ornent les rotondes de la façade principale du Grand Palais. L'élan des chevaux contraste avec la pose statique de leur aurige. L'architecture du Grand Palais ne rappelle en rien un arc de triomphe romain pourquoi un tel décor glorieux ? Les attelages sont en surplomb de la corniche qui est l'auteur de ce tour de force technique ?

Un décor glorieux

Inspirée de l'Antiquité, la composition des deux groupes est identique : un personnage se tient sur un char tiré par quatre chevaux au galop dont l'arrivée repousse un personnage secondaire dans le vide. Chaque groupe illustre ainsi une allégorie de la lutte du Bien contre le Mal.

Côté Seine, l'attelage est mené par Apollon, le dieu du Soleil et protecteur des Arts image principale. Le bel éphèbe ouvre les bras vers le ciel en signe de victoire : il est l'Harmonie qui renverse la Discorde, une femme au visage déformé par la colère. Côté Champs-Élysées, le quadrige célèbre la Renommée, la messagère des dieux image b. Couronnée de lauriers, elle apporte deux autres couronnes et tient une trompette avec laquelle elle proclame les noms des héros inscrits sur sa tablette. Toute gloire étant éternelle, la Renommée triomphe du Temps, le vieil homme à la faux tombant à la renverse, et devient l'Immortalité.

Ensemble, ces pendants racontent les ambitions de la IIIe République pour le Grand Palais. Apollon rappelle que le monument est construit pour l'Exposition universelle de 1900, événement célébrant le génie humain et la fraternité entre les peuples. L'œuvre fait face au pont Alexandre III, lui-même dédié à l'alliance franco-russe. L'allégorie honore ainsi la politique du gouvernement du président Émile Loubet. D'autre part, le Grand Palais a été construit pour durer. Après l'Exposition, il accueille des manifestations exposant l'art français et le savoir-faire national. Créateurs et entrepreneurs sont assurés de la protection symbolique de la Renommée, de l'Immortalité, et plus concrètement de l'État.

Un souffle épique

Le sujet est d'inspiration antique à Paris, le décor de François Joseph Bosio pour l'Arc de triomphe du Carrousel du Louvre (1828) en est une reprise fidèle, sur le modèle des Chevaux de Saint Marc de Venise brièvement exposés à Paris comme saisie des troupes napoléoniennes.

Les groupes du Grand Palais en diffèrent par une interprétation plus dynamique du quadrige. Les chevaux ne marchent pas avec la majesté attendue d'un triomphe romain mais s'élancent dans l'espace, dressés sur leurs antérieurs. Ce « souffle épique », loué par la presse, rappelle l'inspiration baroque des compositions mythologiques du XVIIe siècle : ainsi le Char du Soleil de Jean-Baptiste Tuby (1668-1671, bassin d'Apollon au château de Versailles) ou les Chevaux du Soleil pansés par deux tritons des frères Marsy (1664-1666, Versailles). L'interprétation dynamique du quadrige antique reste en vogue jusqu'à la fin du XIXe siècle (fontaine du monument aux Girondins, 1894-1902, Bordeaux).

Georges Récipon est néanmoins davantage marqué par le tempérament romantique de ses premiers maîtres : enfant, il est proche du sculpteur et peintre animalier Antoine-Louis Barye (1795-1875), qu'il suit dans ses derniers cours au Jardin des plantes. Il a certainement aussi côtoyé Pierre Louis Rouillard (1820-1881), sculpteur au Muséum national d'histoire naturelle et auteur du Cheval à la herse (1878) du musée d'Orsay. Comme eux, il est fasciné par les chevaux : dessinés, peints ou sculptés, au repos ou au travail, l'animal est toujours montré avec force et fougue.

Une attention portée aux détails

En 1900, l'Antiquité est encore le modèle absolu de l'art officiel et de l'enseignement à l'École des Beaux-Arts. Tous les décors des façades du Grand Palais l'attestent : les thèmes sont vertueux et les corps idéalisés. Si Georges Récipon, médaillé des Beaux-Arts, se conforme à ces attentes, ses chevaux retiennent aussi l'attention par le vérisme de leurs détails anatomiques : expressions des têtes, dilatation des narines, présence des muscles, saillies des veines sur les ventres.

L'effet est à ce point persuasif qu'il masque d'autres choix, eux, irréalistes : l'attelage part dans des directions opposées pour l'esthétique de l'ensemble, les chars sont représentés à l'envers afin que l'Harmonie et la Renommée/Immortalité soient bien visibles, et les personnages, ne tiennent pas les rênes.

Un tour de force technique

Au-delà du dynamisme et de l'expressivité de la composition, les groupes s'imposent aussi par l'audace de leur conception : chaque groupe pèse 12 tonnes et les chevaux s'élancent au-dessus du vide ! Georges Récipon a personnellement veillé à toutes les étapes de la réalisation de son projet : travail de chaudronnerie pour la mise en forme des feuilles de cuivre, conception des structures métalliques sur lesquelles sont enchâssées les sculptures, enfin insertion des contrepoids intérieurs destinés à stabiliser l'ensemble sur leur socle étroit.

Pour des raisons de coût, les sculptures ne seront pas dorées comme le prévoyait initialement la commande. Elles reçoivent une simple patine brune pour protéger leur surface des intempéries. Celle-ci a rapidement et naturellement viré au vert, à la grande satisfaction de Georges Récipon : son œuvre était ainsi bien différenciée des groupes équestres de Frémiet qui ornent le pont Alexandre-III.

Ressources

« Le chantier du Grand Palais », un dossier pédagogique du Grand Palais

http://www.grandpalais.fr/sites/default/files/user_images/30/dossier_pedago_chantier_grand_palais.pdf

« Le Grand Palais dans son quartier », un dossier pédagogique du Grand Palais

http://www.grandpalais.fr/pdf/dossier_pedagogique/collection_grand_palais.pdf

« Le Grand Palais du cheval », un dossier pédagogique du Grand Palais

http://www.grandpalais.fr/pdf/dossier_pedagogique/Dossier_pedago_GP_du_cheval.pdf

Une étude sur la statue équestre de Marc Aurèle sur le site Panorama de l’art

http://www.panoramadelart.com/marc-aurele

Une étude sur Le Premier Consul franchissant les Alpes de Jacques-Louis David sur le site Panorama de l’art

http://www.panoramadelart.com/le-premier-consul-franchissant-les-alpes-au-col-du-grand-saint-bernard-jacques-louis-david

Glossaire

Allégorie : Représentation figurée d’une idée abstraite.

Aurige : Conducteur de char dans l’Antiquité.

Exposition universelle : Présentation publique durant laquelle des produits de l’art et de l’industrie du monde entier sont exposés. La première a eu lieu à Londres en 1851.

Mythologie : Ensemble des croyances et des récits liés aux religions non monothéistes.

Quadrige : Attelage de quatre chevaux.

Éphèbe : Terme grec désignant un beau jeune homme

Héros : Dans la Grèce antique, personnage le plus souvent issu de l’union d’une divinité et d’un mortel auquel on prête des aventures exceptionnelles. Associé à la vie locale, un culte est rendu sur son tombeau.

Patine : Dépôt qui se forme au fil du temps à la surface d’un matériau. Le mot désigne aussi un mélange appliqué en finition pour imiter artificiellement le vieillissement naturel.

Pendant : on dit d'une œuvre qu'elle est un pendant quand elle a été réalisée pour répondre à une autre œuvre dans sa forme et dans son sujet.

Statue : Sculpture en trois dimensions réalisée dans différents types de matériaux (pierre, bois, métal, terre).