Trésor de Neuvy-en-Sullias

Trésor de Neuvy

Sanglier

Auteur

Dimensions

Provenance

Neuvy-en-Sullias, Loiret

Technique

Sculpture

Matériaux

Bronze

Datation

Ier siècle av. J.-C. – IIe siècle apr. J.-C.

Lieu de conservation

France,Orléans, hôtel Cabu, musée d'histoire et d'archéologie

Qu’est-ce qu’un trésor ? S’agit-il d’offrandes pour les dieux ? Comment classer ces œuvres : art gaulois ou art romain ?

Le mot « trésor » éveille toutes les convoitises. Il désigne communément un ensemble d'objets précieux accumulés souvent cachés ou perdus. L'imaginaire collectif y voit un fait rare, exceptionnel, et lui associe la promesse de richesse. Sortis de terre, les trésors des anciennes civilisations sont étudiés par les archéologues. Mais, comme le prouve la découverte du trésor de Neuvy, ce ne sont pas toujours des fouilles archéologiques qui permettent de les exhumer.

Une découverte fortuite au pays des Carnutes

C'est dans l'antique pays des Carnutes (habitants de la Beauce) que des ouvriers ont découvert le trésor en 1861. Alors qu'ils extrayaient du sable dans une carrière de Neuvy-en-Sullias, près d'Orléans, un coup de pioche fit apparaître dans la cachette sommairement maçonnée un superbe cheval d'un mètre de haut [ image principale ] entouré de statuettes et autres objets en métal. Ils venaient de découvrir l'un des plus importants dépôts de bronze datant de la Gaule romaine. L'ensemble compte en effet trente-trois pièces réalisées dans ce matériau précieux, principalement des statuettes animales et humaines, mais aussi une longue trompette droite ou tuba, instrument de musique introduit en Gaule par les Romains.

Des offrandes pour les dieux

Certains spécialistes ont pensé qu'il pouvait s'agir d'un dépôt de bronzier qui aurait groupé là des objets destinés à la refonte. Mais la présence de divinités et d'animaux eux-mêmes associés à des dieux amène à penser qu'il s'agit plutôt d'objets provenant à l'origine d'un sanctuaire. En effet, les fidèles offraient des présents de ce type aux divinités en remerciement d'un bienfait. Ces offrandes pouvaient ensuite être déplacées et cachées afin de les protéger du pillage ou bien de céder la place à d'autres lors d'un nouveau dépôt. Devenues sacrées par leur consécration à une divinité, elles ne pouvaient être détruites.

Les pièces de bronze de Neuvy provenaient vraisemblablement d'un fanum, lieu de culte gallo-romain issu de la tradition architecturale gauloise. Une inscription latine sur le socle du cheval confirme cette interprétation. Il y est dit que les magistrats de la ville de Cassicion (site non identifié) l'avaient offert à Rudiobus, sans doute un dieu guerrier. Ce socle est en outre doté d'anneaux, ce qui indique que l'objet pouvait être porté lors de processions. Il s'agit donc bien d'une offrande à un dieu, destinée à être déposée dans son sanctuaire.

Entre art gaulois et art romain

La naissance de l'art proprement gallo-romain demeure mal connue, et ce trésor soulève encore aujourd'hui bien des questions par le mélange de styles que présentent les divers objets qui le composent. Les figurines humaines sont de deux types : les unes de facture gauloise comme la remarquable « grande danseuse » [ détail b ], les autres de facture classique romaine comme Esculape [ détail c ], Hercule enfant [ détail d ] ou Mars [ détail e ]. Quant au cheval [ image principale ], pièce maîtresse du dépôt, il incarne le réalisme propre à l'art romain, mais s'en éloigne par certains traits comme l'important développement de l'encolure ou la raideur des jambes. C'est donc une œuvre gallo-romaine qui mêle deux styles : gaulois et romain.

Persistance des techniques et des formes celtiques

La grande variété stylistique des œuvres de Neuvy-en-Sullias conduit à dater le trésor dans une fourchette chronologique assez large, allant du Ier siècle avant J.-C. au IIe siècle après J.-C. L'art de ces bronzes se situe à la charnière entre deux époques et deux styles. Le sanglier [ détail f ] et la « grande danseuse » témoignent de manière très claire d'une résistance de l'art celtique au début de l'époque romaine.

Le sanglier du trésor de Neuvy a été réalisé en tôle de bronze chaudronnée, une technique traditionnelle chez les Celtes. Très admiré pour sa combativité, cet animal a souvent été choisi pour orner les enseignes militaires. Avec sa chevelure flottante et son corps au tronc étrangement étiré, la « grande danseuse » [ détail b ] ne correspond en rien aux canons de l'art romain. Elle esquisse un pas de danse que l'artiste a exprimé par la position des bras et des jambes avec une liberté caractéristique de la statuaire celtique. Saltimbanque ou ménade, on ignore qui elle est. Cette « grande danseuse » aux formes épurées fut très admirée par André Malraux et par nombre d'artistes du XXe siècle.

Christine Vève

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/tresor-de-neuvy-en-sullias

Publié le 19/08/2013

Ressources

Glossaire

Bronze : Alliage de cuivre (au moins 75 %) et le plus souvent d’étain. 

Celtes : Populations de l’âge du fer qui ont occupé une partie de l’Europe de l’Ouest, notamment la Gaule, dans la seconde moitié du premier millénaire avant J.-C. Leur culture s’efface peu à peu du fait de la conquête romaine, mais perdure dans les îles Britanniques jusqu’au début du Moyen Âge. Aujourd’hui encore, il en subsiste des traces.

Gallo-romain : Pour la France, l’époque gallo-romaine est la période qui va de la conquête de la Gaule par Jules César (52 av. J.-C.) à celle des Francs (Ve siècle).

Ménade : Prêtresse du dieu Dionysos (le Bacchus des Romains).

Sanctuaire : Lieu ou édifice consacré à un culte. Le terme peut correspondre à différentes réalités selon les religions. Dans le monde grec antique, c’est un espace délimité, parfois très vaste, dédié à une divinité et comprenant l’autel pour les sacrifices, le temple et les offrandes. Dans le christianisme, il désigne plus particulièrement la partie de l’église située autour du maître-autel.

Trésor : Le terme trésor désigne à la fois un ensemble d’objets précieux et le lieu qui les abrite.