Théodora et les dignitaires de la cour

Théodora et les dignitaires de la cour

Auteur

Dimensions

Provenance

Technique

Mosaïque

Matériaux

Pierre, Or (métal), Verre

Datation

VIe siècle, période de Justinien Ier le Grand (527-565)

Lieu de conservation

Italie, Ravenne, basilique San Vitale

Qui sont ces personnages somptueusement habillés ?

L'Empire romain a été à plusieurs reprises administré conjointement par deux empereurs. Mais la division de 395 a définitivement donné naissance à l'Empire romain d'Occident et à l'Empire romain d'Orient, plus communément appelé Empire byzantin. Rénovateur du droit romain et grand bâtisseur (Sainte-Sophie de Constantinople), l'empereur byzantin Justinien (527-565) souhaitait restaurer l'ancien Empire romain, en partie envahi par les peuples « barbares » que sont les Huns. Durant son règne, l'Italie passe sous contrôle byzantin, et Ravenne en devient la capitale. Les mosaïques de la basilique Saint-Vital représentant Justinien et son épouse Théodora témoignent de cette page prestigieuse de l'histoire de la ville [ image principale ].

Saint-Vital de Ravenne

Ravenne a conservé bon nombre de monuments des Ve et VIe siècles. Sous la domination byzantine, les églises aux décors somptueux se multiplient. À cause du déclin rapide de la ville à la fin du VIe siècle, les monuments n'ont pas subi de transformations et sont restés dans leur état d'origine.

Projetée par l'évêque Ecclesius (521-532) et financée par Julianus Argentarius, banquier d'origine grecque, la basilique Saint-Vital a été érigée à l'emplacement d'une église du Ve siècle [ détail b ]. Elle présente la particularité d'avoir été conçue sur un plan octogonal centré. Le nouvel évêque Maximien (546-556/557), nommé par Justinien, consacre l'édifice achevé en 547, peu de temps après l'arrivée des troupes byzantines.

Un décor somptueux

Chapiteaux de marbre, placage de marbres de couleur et mosaïques apportent un éclat extraordinaire à la basilique Saint-Vital. Le décor est particulièrement somptueux dans le sanctuaire où se trouve l'autel et dans l'abside qui le prolonge et le clôt. Sur les murs situés de part et d'autre de l'autel, les mosaïques représentent des scènes de sacrifice de l'Ancien Testament. Sur la voûte de l'abside figure le Christ trônant, entouré de saint Vital qui reçoit la couronne du martyre et de l'évêque Ecclesius portant la maquette de l'église Saint-Vital [ détail c ]. Sur les murs latéraux de l'abside, Justinien accompagné de l'évêque Maximien, d'ecclésiastiques, de dignitaires et de soldats [ détail d ] fait face à l'impératrice Théodora représentée avec sa suite de hauts personnages et de dames de la cour.

Une impératrice et sa suite

Théodora a laissé une réputation sulfureuse dans l'histoire et semble avoir eu une influence sur la politique de son époux. Elle est ici représentée frontalement, somptueusement vêtue et parée de perles et de pierres précieuses [ détail e ]. Elle tient un calice richement orné et se dirige vers la gauche, donc vers la figure du Christ trônant. Comme les autres visages, celui de l'impératrice n'est pas véritablement un portrait, mais plutôt la représentation idéale de sa fonction. Elle semble néanmoins, contrairement aux autres personnages peu expressifs, un peu songeuse. Théodora est entourée sur sa gauche de sept dames d'honneur et sur sa droite de deux dignitaires. L'un d'entre eux écarte une tenture, dévoilant une fontaine, pour que le cortège puisse passer.

Cette procession trouve un écho dans la broderie d'or qui figure les Rois mages au bas du manteau pourpre de Théodora. Ce thème de la procession se retrouve à la même époque dans d'autres églises de Ravenne, comme à Saint-Apollinaire-le-Neuf, où des martyrs défilent sur les murs de la nef [ image 1 ].

Une technique raffinée au service d'un style monumental

Les mosaïques sont constituées de petits cubes appelés tesselles. Généralement taillés dans la pierre, ils sont enchâssés dans un mortier. Certaines tesselles apportent un éclat particulier, car elles sont faites de deux plaques de verre qui enferment une fine feuille d'or. Ces précieux cubes sont placés légèrement en biais de façon à faire jouer la lumière.

À la différence des scènes de l'Ancien Testament où des éléments naturalistes attirent l'attention, le caractère solennel de l'événement s'affirme dans la position volontairement figée donnée au couple impérial. L'absence de perspective simplifie la lecture et la compréhension. Les différences de taille des personnages (Théodora est plus petite que Justinien, mais plus grande que ses suivantes), la stylisation des visages, les plis tubulaires simplifiés des vêtements et la gestuelle renforcent la démonstration du caractère organisé et idéal de l'empire.

Sacralisation du pouvoir terrestre

À Saint-Vital, les scènes de sacrifice de l'Ancien Testament (Abel et Melchisédech d'un côté, Isaac de l'autre) figurées de part et d'autre de l'autel font écho au sacrifice du Christ et à son renouvellement lors de la messe avec le sacrement de l'eucharistie. En procession avec les dignitaires de la cour, le couple impérial offre les objets liturgiques qui serviront à la célébrer. Justinien et Théodora se présentent ainsi comme les garants de la continuité du règne du Christ sur terre et de l'éternelle gloire de Dieu. Leurs représentations, bien loin de Constantinople, affirment également l'appartenance de Ravenne à l'empire de Justinien.

Le premier art byzantin

Si le plan de l'église et l'emploi de la brique plate dans l'édification des murs s'inscrivent dans une tradition architecturale byzantine, la construction de la coupole relève en revanche d'une technique romaine [ détail b ]. Ce mélange est caractéristique du premier art byzantin. De la même façon, les mosaïques réunissent la rigueur des compositions de l'art romain tardif et le goût du faste propre à Byzance. Issu de la tradition antique revivifiée par le message chrétien, l'art byzantin évolue de manière autonome tout en dialoguant avec l'art qui se développe parallèlement dans l'Occident médiéval.

Nathalie Gathelier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/theodora-et-les-dignitaires-de-la-cour

Publié le 07/06/2013

Ressources

Sur Ravenne et sur ses monuments

http://jfbradu.free.fr/mosaiques/ravenne/ravenne.htm

Glossaire

Byzance : Antique cité grecque de Byzantium, située sur l’embouchure du Bosphore, Byzance est rebaptisée Constantinople lorsque Constantin en fait la capitale de l’empire romain d’Orient en 324. Conquise par les Turcs au XVe siècle, elle devient capitale de l’Empire ottoman, puis de la Turquie moderne sous le nom d’Istanbul adopté à partir de 1930. Le nom antique de la cité subsiste dans l’adjectif « byzantin », qui qualifie la civilisation de l’empire chrétien d’Orient du Ve au XVe siècle.

Mosaïque : Art qui consiste à réaliser de grands panneaux décoratifs, à l’aide d’une multitude de petits cubes (tesselles) de divers matériaux (pierre, céramique, verre) et de diverses couleurs, disposés sur un enduit. C’est un décor privilégié sur les sols et les murs des grands édifices publics et des riches demeures.

Abside : Terme qui, dans une église, désigne la partie de forme arrondie située derrière le chœur et, par extension, toute chapelle secondaire en hémicycle.

Sanctuaire : Lieu ou édifice consacré à un culte. Le terme peut correspondre à différentes réalités selon les religions. Dans le monde grec antique, c’est un espace délimité, parfois très vaste, dédié à une divinité et comprenant l’autel pour les sacrifices, le temple et les offrandes. Dans le christianisme, il désigne plus particulièrement la partie de l’église située autour du maître-autel.

Eucharistie : Sacrement du christianisme par lequel, lors des offices religieux, sont commémorés le dernier repas du Christ avec les apôtres et son sacrifice sur la croix.

Tenture : Ensemble de plusieurs tapisseries, formant un cycle autour d’un thème central.

Tesselles : Petits cubes en pierre, céramique ou verre, d’environ un centimètre de côté et de couleurs variées, insérés dans un mortier pour former des panneaux décoratifs. On l’a déjà, mais cette définition me semble plus complète.