Bison se léchant

Entre 1910 et 1912, Denis Peyrony, le fondateur du musée des Eyzies, découvre cette sculpture image principale dans l’abri-sous-roche de la Madeleine, à Tursac, en Dordogne image 5, lieu emblématique de l’art préhistorique. En observant cette œuvre exceptionnelle qui peut tenir dans la paume de la main, on ne peut s’empêcher de penser à ceux qui l’ont façonnée il y a quelque 15 000 ans.

Le site de la Madeleine et l’art préhistorique

En 1863, le paléontologue Édouard Lartet découvre cet immense abri-sous-roche dans la vallée de la Vézère image 6. Par la mise au jour du mammouth gravé sur un morceau d’ivoire, il a pu prouver l’existence de la Préhistoire des hommes et de l’art préhistorique. Bien avant la découverte de Lascaux, ce site a bouleversé la vision des scientifiques sur l’art des origines et fut choisi par Gabriel de Mortillet pour définir la dernière culture du Paléolithique supérieur, baptisée le Magdalénien. Cette culture est marquée par l’abondance d’objets en bois de renne, l’usage généralisé du propulseur et l’invention du harpon. On y découvre un épanouissement des productions artistiques, tant dans l’art mobilier que dans l’art pariétal.

Un bison comme s’il était vivant

Le bison était présent dans une grande partie de l’Europe aux temps glaciaires. Après le cheval, c’est l’animal le plus représenté dans l’art magdalénien. Souvent réaliste, on le reconnaît à sa bosse, ses cornes et sa barbe image principale. D’autres éléments anatomiques sont visibles ici : l’oreille, le toupet, l’œil très détaillé, le mufle et même la langue, ce qui n’est pas unique image 1. L’attitude de retourner la tête pour lécher son flanc, ou simplement regarder derrière image 2 image 3, renforce la vraisemblance de cette représentation animale.

Un grand bison sur un petit bois de renne, une prouesse technique

C’est avec une lame de silex que le morceau de bois de renne, naturellement courbe et peu épais, a été taillé sur les deux faces image principale image b Des astuces ont été trouvées pour rendre le volume et faire rentrer le bison dans ce petit espace. La tête, très grande, semble surgir comme par un effet de zoom image principale. Elle se détache en relief sur le corps, comme repliée, avec de nombreux détails sculptés et gravés donnant l’illusion de la ronde-bosse. Les cornes, dont l’une est en relief et l’autre gravée, sont disposées en perspective. Le jeu subtil entre les zones lisses et les reliefs est accentué par des motifs incisés (lignes courbes, pointillés, chevrons) qui rendent de façon presque tactile les variations du pelage.

Un bison artistique et utilitaire

Ce bison est parfois considéré comme un fragment de propulseur. Il n’est pas rare de voir un animal sculpté sur ce type d’arme, et même avec la tête retournée image 3. Certains réfutent cette hypothèse, considérant que le bison, tel qu’il a été sculpté ici, ne pouvait pas disposer d’un manche pour être un propulseur. Peut-être avait-il une autre fonction qui reste mystérieuse. Nous n’avons pas accès au langage des hommes préhistoriques, qui s’exprimaient sans écriture. Les images qui nous sont parvenues sont des éléments de ce langage, dans lequel l’animal occupe une place centrale. D’autres questions restent en suspens : qu’a voulu dire l’artiste en mettant en scène ce bison ? Pourquoi cet animal se lèche-t-il le flanc ? Serait-il blessé ? Parfois, des flèches sont représentées avec les animaux image 4 mais nous ne savons pas si ce sont des armes ou des signes.

Cette œuvre est un magnifique exemple de l’art virtuose qu’ont développé les Magdaléniens. Un art réaliste, qui puise ses formes dans le monde naturel pour raconter une histoire qui nous échappe.

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