Portrait d’homme Le Condottiere Antonello de Messine (1430?-1479?)
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Le Condottiere
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Le Condottiere
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Double portrait
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Les noms de Marguerite de Gonzague, Ginevra d’Este et Lucia d’Este sont le plus souvent avancés aujourd’hui pour l’identification du modèle
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Portrait de René, duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Sicile et de Jérusalem (1409-1480)
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Détail du cartellino
Le Condottiere
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Détail du visage
Le Condottiere
Antonello de Messine peint ce portrait image principale lors d’un séjour à Venise de 1475 à 1476, comme en atteste le cartellino placé au bas du tableau image b :1475 / Antonellus Messaneus me pinxit 1475/ (Antonello de Messine m’a peint »).
Une composition au service du modèle
Cadré en buste étroit, un homme présente son visage de trois quarts et tourne son regard vers le spectateur. Il se détache sur un fond sombre et se tient derrière un parapet.
Le cadrage resserré de la construction forme un schéma pyramidal, une composition qui met en valeur le modèle. Le parapet placé au tout premier plan repousse la figure dans l’espace. Celle-ci gagne ainsi en profondeur, malgré le fond sombre qui arrête le regard. Les couleurs du fond et de l’habit attirent par contraste l’attention sur le visage plus lumineux.
Le portrait détaillé d’un homme dont l’identité nous échappe
Les observateurs italiens du XVe siècle sont très sensibles au réalisme des portraits, qualité qu’ils observent en particulier dans les œuvres flamandes. Ainsi, Vespasiano da Bisticci note qu’au Portrait de Frederico da Montefeltro et son fils Guidobaldo image 1, probablement peint par Juste de Gand, « il ne manque que le souffle ». Ici, Antonello de Messine s’est attaché à rendre les caractéristiques physiques de son modèle : la mâchoire et le cou puissants, la lèvre inférieure un peu épaisse, le nez droit, les yeux ronds. Le moindre détail est noté : la finesse des cheveux et des cils, la barbe naissante et la fossette au menton. Ce réalisme analytique semble refuser l’idéalisation, puisque même le léger cerne sous les yeux et la cicatrice à la lèvre supérieure sont représentés.
On ignore l’identité du modèle. Néanmoins, son pourpoint noir bordé de fourrure, accompagné d’une toque de même couleur, correspond au costume des patriciens italiens de la fin du XVe siècle. À cette époque, les membres des classes sociales dominantes souhaitent de plus en plus posséder des œuvres à leur effigie. En raison de son expression énergique et de la légère cicatrice sur sa lèvre supérieure, on a parfois proposé de voir dans cet homme un condottiere, chef militaire italien. Rien ne permet toutefois de confirmer cette hypothèse.
Un style et une technique flamands
Pendant la première moitié du XVe siècle, les portraits italiens privilégient une forme d’idéalisation à l’antique. Souvent représentés de profil, à la manière des médailles, les modèles sont volontiers idéalisés. Ainsi, dans le Portrait d’une princesse de la Maison d’Este image 2, Pisanello s’efforce de souligner la pureté du profil plus que de saisir l’individualité du modèle.
À partir des années 1470, sous l’influence de la peinture flamande, le souci d’une représentation réaliste modifie l’approche du portrait. Pour réaliser celui-ci, Antonello de Messine s’inspire des maîtres flamands, tels que Jan Van Eyck ou Petrus Christus image 4. Il reprend la formule générale de leurs œuvres (visage de trois quarts, fond sombre et parapet), adopte le même réalisme analytique et emprunte leur modelé subtil. Afin de faire émerger le modèle du fond sombre et de rendre dans les moindres détails la musculature de son visage, il travaille les ombres et la lumière avec une grande délicatesse et une extrême précision image c.
Un tel rendu des volumes résulte d’une utilisation parfaitement maîtrisée de la peinture à l’huile, technique d’origine flamande peu employée dans l’Italie du XVe siècle. Antonello de Messine l’utilise ici sous forme de glacis translucides, qui lui permettent de créer les dégradés d’ocre des carnations. Il confère ainsi au modèle une présence saisissante. L’artiste emploie les mêmes procédés dans d’autres portraits image 5, mais également dans des œuvres religieuses comme Le Christ à la colonne image 6.
L’art flamand dans les collections des princes italiens
Par le passé, certaines des œuvres d’Antonello de Messine ont été attribuées à des artistes flamands, tant le peintre maîtrise parfaitement leurs techniques. Comment en a-t-il connaissance ? Se rend-il en France ou aux Pays-Bas ? Il a vraisemblablement eu accès aux œuvres flamandes qui se trouvent alors en Italie. En outre, si l’on connaît mal la formation d’Antonello de Messine, on sait que le peintre, originaire de Sicile, séjourne à Naples, où il aurait complété son apprentissage auprès de Colantonio. Celui-ci s’était apparemment familiarisé avec l’art des Pays-Bas au contact des artistes venus du Nord au service de René Ier d’Anjou image 7, roi de Naples de 1435 à 1442.
Dans le dernier quart du XVe siècle, un nombre considérable d’artistes trouvent leur inspiration dans les nombreuses œuvres flamandes collectionnées dans toute l’Italie. Cette influence se retrouve par exemple dans le Portrait d’un vieillard et d’un jeune garçon image 8 du Florentin Domenico Ghirlandaio, qui fait preuve d’un réalisme sans concession.
Le Condottiere montre qu’Antonello de Messine a profondément intégré ces modèles nordiques. Son remarquable état de conservation permet d’imaginer l’attrait d’autres artistes italiens, tel Giovanni Bellini image 9 image 10, pour ses œuvres.
Permalien : https://www.panoramadelart.com/antonello-messine-condottiere
Publié le 22/10/2021
ressources internet
- Une biographie d’Antonello de Messine sur le site du Metropolitan Museum of Art de New York
https://www.metmuseum.org/toah/hd/mess/hd_mess.htm - La notice du Christ à la colonne sur le site du musée du Louvre
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010065042 - La notice du Portrait d’une princesse de la Maison d’Este par Pisanello sur le site du musée du Louvre
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010064951 - La notice du Portrait de Sigismond Malatesta, seigneur de Rimini (1417-1468) par Piero della Francesca sur le site du musée du Louvre
https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010064932 - Voir aussi le site Histoiredesarts.culture.fr
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glossaire
- Cartellino :
- « Petit morceau de papier ». En peinture, ce terme d’origine italienne désigne les fragments de papier peints de façon illusionniste et portant des inscriptions renseignant généralement sur l’auteur et le contexte de la création.
- Composition :
- Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.
- Glacis :
- Peinture à l’huile fluide composée majoritairement d’huile et peu chargée en pigment. Il en résulte une transparence qui permet, grâce à la superposition des couches, de créer des effets de textures et de profondeur.
- Renaissance :
- Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.
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