La Neige Daubigny Charles-François

La Neige

Dimensions

H. : 90 cm ; L. : 120 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1873

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

Comment peindre la neige, matière mi-liquide, mi-solide ? Comment représenter la lumière d’une journée d’hiver ? Qu’apporte Daubigny à la peinture de paysage ?

Ce paysage hivernal [ image principale ] est l'un des derniers tableaux de Charles-François Daubigny, un peintre paysagiste réputé de l'école de Barbizon. L'artiste partage avec les jeunes peintres impressionnistes le souci de représenter la nature suivant les différentes saisons. Il montre aussi qu'il est capable de se renouveler de façon étonnante dans un genre, le paysage, qui se retrouve au cœur des préoccupations de l'avant-garde picturale.

Le paysage, l'un des thèmes majeurs de la peinture du XIXe siècle

Les artistes du XIXe siècle portent un intérêt croissant à la peinture de paysage. Si la tradition académique établie au XVIIe siècle le considérait comme un genre mineur, elle faisait pourtant la distinction entre le « paysage héroïque », à l'aspect très fini, le plus apprécié car il servait de cadre à un sujet érudit (historique, religieux ou mythologique), et le « paysage pastoral », étudié pour lui-même et moins prestigieux, mais qui permettait une plus grande liberté d'exécution, même s'il était toujours réalisé en atelier à partir d'études en plein air. C'est ce dernier paysage qui, après bien des réticences, s'impose peu à peu pour finalement occuper une place prépondérante au milieu du XIXe siècle. Les peintres de l'école de Barbizon, certains artistes réalistes, comme Gustave Courbet, puis les impressionnistes délaissent le paysage héroïque pour se consacrer à l'étude directe de la nature, sans récit ni morale. Symbole de cette évolution, le Prix de Rome du paysage historique est supprimé en 1863, tandis qu'un Prix du paysage, sans condition iconographique, est décerné par l'Académie à partir de 1869. Émile Zola peut ainsi écrire dans son compte rendu du Salon de 1868 : « Le paysage classique est mort, tué par la vie et la vérité. »

Daubigny, entre l'école de Barbizon et l'impressionnisme

Charles-François Daubigny est particulièrement attiré par la peinture en plein air, l'étude des variations de la lumière et des reflets sur l'eau qu'il tente de capter par des couleurs claires et une touche rapide. Ses paysages se caractérisent par de grands ciels lumineux et une atmosphère paisible [ image 1 ]. Depuis 1843, il séjourne fréquemment auprès de ses amis, les peintres paysagistes de l'école de Barbizon, un village situé dans la forêt de Fontainebleau. Il partage leur goût pour l'observation directe de la nature, l'habitude de peindre sur le motif, le refus de l'anecdote, tout ce qui fait d'eux des précurseurs de l'impressionnisme. Après avoir été refusé au Salon pendant de nombreuses années, il rencontre le succès au milieu du siècle, recevant même des commandes officielles. Il s'installe à Auvers-sur-Oise en 1860 et navigue à bord de son bateau-atelier, Le Botin [ image 2 ], comme le fera plus tard Claude Monet. À la fin de sa vie, il encourage et défend les peintres impressionnistes (Monet, Sisley, Cézanne et Pissarro en particulier). Il est à son tour influencé par ces jeunes peintres qui l'admirent à leur contact, sa peinture devient encore plus libre et spontanée, et sa technique évolue avec une touche plus ample, dont témoigne L'Hiver.

Un paysage dans l'air du temps

C'est la première fois que le thème de l'hiver apparaît dans une toile de Daubigny, même s'il l'avait déjà traité dans un dessin et une gravure. Le sujet fascine les peintres, en particulier les futurs impressionnistes qui tentent de restituer la lumière hivernale et la texture de la neige : Monet réalise La Pie [ image 3 ], un éblouissant paysage de neige, en 1868-69 Pissarro peint Châtaigniers à Louveciennes [ image 4 ] en 1879. Pour son tableau, Daubigny choisit un format horizontal très allongé qui permet d'embrasser du regard la vaste plaine d'Auvers-sur-Oise, en partie recouverte de neige. Le chemin qui traverse obliquement la plaine et s'enfonce dans le lointain structure la composition et lui donne de la profondeur. Au premier plan, pour représenter la neige, le peintre a appliqué au couteau à palette des empâtements très visibles de peinture blanche [ détail b ], une technique nouvelle pour lui, reprise des paysages de Courbet [ image 5 ]. Les silhouettes sombres des arbres aux branches dénudées contrastent avec la blancheur de la neige et donnent au paysage un aspect désolé. Des corbeaux et quelques pies, regroupés par terre ou dans les arbres, forment de petites taches noires qui ressortent sur le blanc de la neige ou le gris boueux du sol. L'horizon, placé très bas, laisse une grande place au vaste ciel nuageux dont la couleur varie du gris bleuté au blanc, en passant par le rose clair le rougeoiement du soleil couchant, rendu par des coups de pinceaux très apparents, annonce le crépuscule [ détail c ]. La lumière hivernale est ainsi rendue de façon saisissante et avec beaucoup de subtilité dans l'utilisation des couleurs.

Présenté au Salon de 1873, le tableau est violemment critiqué à cause de sa grande liberté d'exécution. Les journalistes se déchaînent dans leurs comptes rendus : « La Neige de M. Daubigny est un morceau de plâtre étalé avec un couteau à palette », écrit l'un d'eux. La neige a été « figurée à grands coups de plat de sabre » et « les branches des arbres semblent peintes avec un balai de branches de bouleau », renchérit un autre. Mais, pour les mêmes raisons, le tableau est admiré par les jeunes peintres de la nouvelle école qui, lassés d'être refusés au Salon, organisent en 1874 la première exposition impressionniste.

Françoise Besson

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/la-neige

Publié le 18/05/2015

Glossaire

Académie (institution) : L’Académie royale de peinture et de sculpture est fondée en 1648. En 1816, l'Académie des beaux-arts est créée par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, de l’Académie de musique (fondée en 1669) et de l’Académie d’architecture (fondée en 1671).

Empâtement : Relief obtenu par l’application d’une épaisse couche de peinture.

Impressionnisme : Courant artistique regroupant l’ensemble des artistes indépendants qui ont exposé collectivement entre 1874 et 1886. Le terme a été lancé par un critique pour tourner en dérision le tableau de Monet Impression soleil levant (1872). Les impressionnistes privilégient les sujets tirés de la vie moderne et la peinture de plein air.

Salon : Au XVIIIe siècle les expositions des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture se tenaient dans le Salon carré du Louvre. Le terme « Salon » désigne par la suite toutes les expositions régulières organisées par l’Académie.

Prix de Rome : Pension royale attribuée au terme d’un concours organisé par l’Académie à partir de 1663 et qui permettait aux lauréats de séjourner à l’Académie de France à Rome, installée à la villa Médicis en 1803.

Peindre sur le motif : Expression qui signifie peindre en ayant sous les yeux ce que l’on souhaite représenter.

École de Barbizon : Groupe de peintres installés à Barbizon, en forêt de Fontainebleau, dans les années 1840-50. Ils se consacrent surtout à la peinture de paysage et annoncent l’impressionnisme. Les plus célèbres sont Camille Corot, Charles-François Daubigny, Jean-François Millet et Théodore Rousseau.

Palette : La palette est la petite planche sur laquelle l’artiste dispose et mélange ses couleurs. Le terme désigne aussi l’ensemble des couleurs qu’il choisit pour une œuvre.