Empereur triomphant dit Ivoire Barberini

Empereur triomphant (Justinien ?)

Copie de la statue équestre de Marc-Aurèle (Rome, musées du Capitole), place du Capitole

Auteur

Dimensions

H. 34,2 cm ; L. 26,8 cm

Provenance

Byzance (Istanbul)

Technique

Haut-relief

Matériaux

Ivoire d'éléphant

Datation

525 - 550

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

À quoi servait cet objet ? Qui est l’homme à cheval ?

L'Ivoire dit Barberini constituait à l'origine une partie d'un diptyque impérial. Sa forme complexe, la très haute qualité de son exécution et son iconographie, qui exalte la gloire d'un empereur chrétien, en font un chef-d'œuvre du premier art byzantin qui se développe à partir du VIe siècle.

Qu'est-ce qu'un diptyque ?

Un diptyque est un objet, en usage depuis l'Antiquité, composé de deux tablettes, appelées feuillets, reliées entre elles par des charnières qui permettaient de les replier l'une sur l'autre. Les faces internes étaient recouvertes d'une cire sur laquelle on pouvait écrire à l'aide d'un stylet. Lorsqu'un diptyque était commandé par (ou pour) un personnage de haut rang, empereur ou consul, ses feuillets présentaient fréquemment sur leurs faces externes un riche décor sculpté en relief. La forme de décoration la plus exceptionnelle que l'on rencontre dans l'art byzantin, pour un feuillet de diptyque, est celle que présente l'Ivoire Barberini [ image principale ], constituée d'un assemblage de cinq plaquettes d'ivoire. C'est d'ailleurs l'un des rares feuillets de diptyque en cinq parties quasiment complet que nous possédions il n'en manque que la plaquette de droite.

Un triomphe éclatant

Réalisé à Constantinople au VIe siècle, cet ivoire reprend l'iconographie conventionnelle des triomphes impériaux en usage durant les siècles classiques de l'Empire romain. L'Ivoire Barberini représente une scène profane : un empereur à cheval victorieux [ détail b ]. Vêtu d'une armure et d'un manteau, il monte un cheval cabré. Il s'inscrit dans la tradition antique des statues équestres d'empereur [ image 1 ]. Sous les jambes de l'étalon, une femme soutient un de ses pieds c'est la Terre, qui présente des fruits dans un pan de son vêtement. Une petite Niké, ou Victoire ailée, dont le bras a en partie disparu, couronnait à l'origine l'empereur triomphant.

Les autres personnages

Dans la plaquette supérieure apparaît le Christ [ détail d ], figuré jeune et imberbe. Les anges qui l'encadrent portent un médaillon où sont représentés les symboles du soleil, de la lune et des étoiles. Caractéristique des premiers temps du christianisme, cette image s'inspire encore des codes de représentation des religions antiques : les anges notamment dérivent des figures de victoires de l'Antiquité. Le geste de bénédiction du Christ (pouce et annulaire joints) annonce les œuvres byzantines. À la droite de l'empereur, un général [ détail c ] présente une statuette de Victoire. Enfin, dans le bandeau inférieur, les émissaires des peuples soumis à Constantinople se pressent de part et d'autre d'une Victoire qui désigne l'empereur : Scythes, nomades des steppes, Asiatiques accompagnés d'un éléphanteau [ détail e ], défilent à ses pieds et lui offrent cadeaux et tributs.

L'art de travailler l'ivoire

Les ivoires d'éléphant des Ve et VIe siècles conservés en grand nombre indiquent un goût prononcé pour ce matériau à cette époque. Les sculptures devaient être à l'origine rehaussées d'incrustations colorées qui ont presque entièrement disparu. L'ivoire central se remarque surtout par son haut-relief. Certains éléments comme la patte droite du cheval ou une grande partie de la lance sont même complètement détachés. La composition touffue et détaillée et le style fluide ont été rapprochés d'ivoires du début du VIe siècle (L'Impératrice Ariane, plaque conservée à Florence). Traités en bas-relief, les éléments latéraux s'apparentent plus à des œuvres du milieu du VIe siècle (Chaire de Maximien de Ravenne). La période, la technique très raffinée et le sujet permettent d'affirmer que l'œuvre provient d'ateliers de la capitale byzantine.

Le manifeste d'un empire

L'identification de l'empereur reste difficile. On a pensé tour à tour qu'il pouvait s'agir de Constantin (306-337), de Zénon (479-491) ou d'Anastase (491-518). Mais le nom le plus vraisemblable est celui de Justinien (527-565), contemporain de l'œuvre. La comparaison avec l'effigie de Justinien qui apparaît sur les monnaies de son règne n'est pas entièrement satisfaisante, mais tous ces portraits n'étaient pas réalisés pour être parfaitement ressemblants. L'Ivoire Barberini constitue une image, une icône impériale, qui reflète la politique de l'empereur et sa manière d'exercer le pouvoir. En effet la position centrale qu'il occupe et le travail en très haut-relief exaltent sa gloire et sa puissance. Entouré par le Ciel qui le protège et la Terre qu'il domine, il règne sans partage : c'est au nom de Dieu qu'il soumet les peuples qui lui doivent obéissance.

Avant d'être la représentation précise d'un empereur, l'Ivoire Barberini est d'abord un manifeste de la politique civile et religieuse de l'Empire romain d'Orient.

Nathalie Gathelier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/empereur-triomphant-dit-ivoire-barberini

Publié le 18/10/2011

Ressources

Réécouter les conférences données dans le cadre de l'exposition « De Byzance à Istanbul » au Grand Palais en 2010

http://www.grandpalais.fr/fr/article/exposition-de-byzance-istanbul-les-conferences

Un dossier d’enseignant sur l’Empire byzantin

http://lewebpedagogique.com/mariedesmares/files/5h1-corrige.pdf

Glossaire

Diptyque : Objet constitué de deux volets le plus souvent reliés par une charnière. Par extension, le terme s’applique à deux œuvres réalisées en pendants.

Icône : Une icône est, au sens premier, une image. Le mot a fini par désigner plus particulièrement les images religieuses produites dans le monde orthodoxe (Byzance, Russie…).

Haut-relief : Type de relief dans lequel les figures se détachent fortement du fond, à la différence du bas-relief.

Bas-relief : Type de sculpture en deux dimensions. Le matériau est creusé afin que la forme souhaitée apparaisse en épaisseur par rapport au fond.

Byzance : Antique cité grecque de Byzantium, située sur l’embouchure du Bosphore, Byzance est rebaptisée Constantinople lorsque Constantin en fait la capitale de l’empire romain d’Orient en 324. Conquise par les Turcs au XVe siècle, elle devient capitale de l’Empire ottoman, puis de la Turquie moderne sous le nom d’Istanbul adopté à partir de 1930. Le nom antique de la cité subsiste dans l’adjectif « byzantin », qui qualifie la civilisation de l’empire chrétien d’Orient du Ve au XVe siècle.

Premier art byzantin : Art qui se développe à Byzance au cours des VIe et VIIe siècles. Très imprégné de références antiques, il crée un nouveau répertoire d’images au service du christianisme d’Orient.

Iconographie : Ensemble des images correspondant à un même sujet. On parle de programme iconographique lorsqu’un décor en plusieurs parties regroupe de manière cohérente différents sujets autour d’un même thème.