Marguerite de France reine de Navarre Clouet François

Marguerite de France reine de Navarre

D’après François Clouet

Dimensions

H. : 29,7 cm ; L. : 21,3 cm

Provenance

Technique

Dessin

Matériaux

Encre brune, Pierre noire, Lavis

Datation

Vers 1559

Lieu de conservation

France, Chantilly, musée Condé

Quel est le statut d’un portrait au crayon à la Renaissance ? Œuvre préparatoire ou objet de collection ?

Objet de collection, cadeau diplomatique, œuvre à valeur affective, le portrait dessiné prend un essor considérable en France à la Renaissance. Dans ce domaine, les Clouet, d'origine flamande, installés en France au début du XVIe siècle, ont joué un rôle essentiel. Peintres de cour, Jean Clouet d'abord, puis François, son fils, donnent une image sensible et extraordinairement vivante de la cour des Valois. Ils exécutent notamment les portraits du roi et de sa famille, depuis François Ier[ image 1 ] jusqu'à Marguerite [ image principale ], la plus jeune des filles de Catherine de Médicis et d'Henri II.

La « reine Margot »

Cultivée, spirituelle et séduisante, Marguerite épouse le 18 août 1572 le prince protestant Henri de Bourbon, roi de Navarre, futur Henri IV. Leurs noces précèdent de quelques jours le massacre de la Saint-Barthélemy. Cet événement tragique est souvent interprété comme annonciateur d'une union malheureuse et stérile. Les époux se séparent assez vite, chacun vivant de son côté jusqu'à l'annulation du mariage qui permet à Henri IV d'épouser Marie de Médicis. Marguerite de France est plus connue sous le nom de reine Margot ou de Marguerite de Valois. Sa vie haute en couleur et sa personnalité indépendante ont inspiré écrivains et cinéastes, comme Alexandre Dumas et Patrice Chéreau.

Le portrait d'une petite princesse

Alors âgée d'environ six ans, la jeune princesse est représentée à mi-corps, de trois quarts gauche. Ses mains reposent sur le bord inférieur du dessin, procédé que l'artiste emprunte à son père, Jean Clouet. Les mains de la petite Marguerite serviront ensuite de modèle à François Clouet quand il peindra le portrait d'Élisabeth d'Autriche [ image 2 ], épouse de Charles IX. Toujours dessinés d'après nature, face au sujet, les portraits de François Clouet nécessitaient souvent plusieurs séances de pose.

C'est une jeune princesse dont François Clouet fait le portrait. Sa coiffure très élaborée dégage l'ovale parfait du visage et accentue ainsi le port de tête gracieux et la fragilité du modèle. Le brun des yeux et de la chevelure rehausse la blancheur de la carnation, tandis qu'un léger sourire exprime la vivacité de l'enfant. Le dessin est caractéristique des années 1550. C'est en effet à partir de cette époque que François Clouet représente les somptueux costumes de ses modèles dans leurs moindres détails. La minutie avec laquelle il a décrit les perles et les dentelles force l'admiration. Les couleurs soutenues de la robe ont vraisemblablement été ajoutées plus tard à la gouache par un autre artiste.

Une technique nouvelle au service de la ressemblance

François Clouet aborde tous les genres picturaux. Mais son nom est surtout associé à l'histoire du portrait dessiné, qu'il contribue à faire évoluer. Ses dessins ne sont plus préparatoires à des peintures, mais ils deviennent des œuvres d'art à part entière, collectionnés avec ferveur par des amateurs de haut rang. Tous témoignent de sa maîtrise du trait et de son habileté à rendre la personnalité du modèle. Autre facette de son art : il déploie tout son talent dans la restitution des broderies du costume, des tresses et de la résille des cheveux, de l'éclat des bijoux. Il associe la pierre noire et la sanguine, pigment qui permet de mieux rendre les couleurs et le modelé des chairs. Cette technique, qui serait née en France au XVe siècle, y connaît un véritable succès à la Renaissance, car le dessin gagne encore en ressemblance avec le modèle.

Une mère attentive et grande collectionneuse

Catherine de Médicis [ image 3 ] épouse en 1533 le duc d'Orléans, futur Henri II. Ce n'est qu'en 1544 qu'elle met au monde son premier enfant, le futur François II. Les onze années d'infertilité qui ont précédé cette naissance furent éprouvantes pour la jeune femme dont on attendait un héritier au plus vite. Elle donnera dix enfants au roi, dont six survivront. La reine a pour eux un véritable attachement. Elle prend soin de leur santé et les envoie vivre dans la vallée de la Loire, où l'air est réputé plus sain. La commande des portraits des princes permet à la reine de veiller à distance sur leur développement et sur leur état de santé [ image 4 ]. C'est également un moyen de maintenir les liens familiaux entre les enfants restés à la cour et ceux partis vivre à l'étranger. Le portrait dessiné de Marguerite a par exemple servi à la réalisation d'un petit tableau sur bois [ image 5 ], qui devait être envoyé à Élisabeth, sœur du modèle et reine d'Espagne.

La collection de Catherine de Médicis constitue aussi une galerie de portraits des grands personnages de la cour : certains sont hérités de François Ier qui, comme elle, appréciait de tels dessins, d'autres sont commandés par ses soins. Elle les annote elle-même ou les fait annoter sous sa dictée. Rangés dans une grande boîte conservée dans son cabinet personnel, ces portraits dessinés deviennent aussi un précieux outil pour l'éducation des princes, car la reine s'en sert pour enseigner à ses fils les mérites des grandes familles aristocratiques qui se sont illustrées au service de la couronne.

Cécile Galinier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/marguerite-de-france-reine-de-navarre

Publié le 05/08/2013

Ressources

Collections du musée Condé

http://www.musee-conde.fr/

Exposition temporaire sur les dessins de la Renaissance française

http://expositions.bnf.fr/renais/index.htm

Glossaire

Pierre noire : Bâton de schiste servant à dessiner. Par extension, le mot désigne une technique de dessin.

Sanguine : Bâton d’hématite (minerai de fer) qui sert à dessiner et qui doit son nom à sa couleur rouge. Par extension, le mot désigne une technique de dessin.

Gouache : Peinture à l’eau.

Cabinet : Pièce à usage privé, réservée à l’étude, à la collection ou à la toilette.

Valois : Maison royale française de la dynastie capétienne qui a régné de 1328 à 1589. Ses plus illustres représentants sont au Moyen Âge Charles V (1338-1380) et à la Renaissance François Ier (1494-1547).

Bourbon : Maison royale de France, rattachée à la dynastie capétienne, qui succède aux Valois. Elle est portée au pouvoir par Henri IV (1553-1610).

Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.

Renaissance : Mouvement artistique né au XVe siècle en Italie et qui se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle. Il repose sur la redécouverte, l’étude et la réinterprétation des textes, monuments et objets antiques. À la différence de la pensée médiévale qui donne à Dieu une place centrale, c'est l'homme qui est au cœur de la pensée de la Renaissance.