Galerie des Rois de la cathédrale Notre-Dame de Paris Chenillon Jean-Louis Geoffroy-Dechaume Adolphe-Victor

Galerie des Rois de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Dimensions

Provenance

Technique

Architecture, Sculpture

Matériaux

Pierre

Datation

XIXe siècle

Lieu de conservation

France, Paris, cathédrale Notre Dame de Paris

Du Moyen Âge au XIXe  siècle, vicissitudes d’un décor sculpté emblématique de l’Histoire de France.

La façade de la cathédrale Notre-Dame de Paris image 1 a été édifiée dans la première moitié du XIIIe siècle. Elle est rythmée par trois portails ouvrant sur le parvis, au-dessus desquels court, à 20 m du sol, une galerie soutenue par des colonnettes et décorée d'arcatures sculptées. Elle abrite une série de vingt-huit sculptures monumentales représentant les rois de Juda image principale, ancêtres du Christ par la Vierge, qui ont parfois pu être identifiés aux rois de France. Leur appartenance à l'iconographie religieuse et monarchique a entraîné leur destruction lors de la Révolution française. Au XIXe siècle, dans le cadre des travaux de restauration de la cathédrale confiés à Eugène Viollet-le-Duc, ces sculptures sont entièrement recréées. Des fragments des œuvres originales, notamment vingt et une têtes, sont découverts de manière fortuite en 1977 et aujourd'hui exposés au musée de Cluny.

Un décor monumental sculpté et peint

Les vingt-huit rois sont répartis sur une bande horizontale, rythmée par quatre contreforts situés de part et d'autre des tours image principale. Chacune des sculptures est placée entre deux colonnettes surmontées d'une arcade.

Les statues, monumentales, mesurent 3,5 m de haut, ce qui permet de les identifier depuis le parvis. Elles étaient complétées par un décor polychromé (orangé, rouge, vert, bleu, noir), comme l'ont montré des analyses scientifiques menées sur les fragments originaux.

Rois de Juda ou rois de France ?

Ces sculptures représentent les figures historiques qui ont régné sur les royaumes de Juda et d'Israël, auxquelles sont associés des personnages notables de l'Ancien Testament. Ces personnages symbolisent la généalogie de la Vierge, constituant ainsi un lien avec le Nouveau Testament. Leur nombre exact est difficile à établir, ce qui n'était pas déterminant à l'époque de la réalisation des sculptures la représentation devait, en effet, s'adapter au cadre architectural.

Au XIIIe siècle, la galerie des Rois pouvait s'apparenter à une représentation de la généalogie des rois de France, un peu approximative, de Childebert à Philippe Auguste, prédécesseur de Louis VIII sous le règne duquel la construction de la cathédrale Notre-Dame avait été commencée, en 1163. On sait également que sous le règne de Saint Louis (1226-1270), les noms de trente-neuf rois de France, depuis Clovis jusqu'à Louis XI, avaient été gravés sur l'un des portails de la cathédrale.

D'autres cathédrales, notamment celles de Chartres image 2 (vers 1250) et de Reims image 3 (vers 1350), présentent également une galerie de sculptures de souverains sur leur façade, qui peuvent être identifiées à la fois aux rois de Juda et aux rois de France. En effet, à cette époque, l'idée de commémorer les dynasties françaises sur la façade des églises apparaît comme tout à fait naturelle : le roi de France est un roi de droit divin, sacré et doté d'un pouvoir mystique. Ces représentations associées aux édifices religieux glorifient donc la monarchie. Au XVIIe siècle, les historiens Dom Mabillon et Montfaucon sont les premiers à mettre en évidence cette symbolique d'une généalogie royale.

De la destruction à la reconstitution

En 1793, au cours de la Révolution, la Convention ordonne la suppression de toutes les « images de la tyrannie et de la superstition ». À ce titre, la galerie des Rois est méthodiquement détruite. Les sculptures mutilées sont entassées sur le parvis jusqu'en 1796, date à laquelle elles sont vendues aux enchères et adjugées à un entrepreneur. Leur trace est alors perdue. La cathédrale entre dans une période d'abandon, jusqu'à ce que la génération romantique remette le Moyen Âge au goût du jour.

En 1845-1846, dans le cadre d'importants travaux de restauration de la cathédrale, Eugène Viollet-le-Duc est chargé de recréer la galerie des Rois : terrasse, colonnettes, arcatures, sculptures. Il découvre à cette occasion la seule colonne médiévale conservée, située au contrefort sud, présentant une polychromie spiralée. L'architecte reconstruit la terrasse et les chéneaux (qui forment le toit de la galerie, au-dessus des statues), complète les chapiteaux, dont sept sur trente-neuf avaient été épargnés lors de la Révolution. Viollet-le-Duc conserve au maximum les architectures sculptées, les écoinçons, les arcatures les socles sont rafraîchis, recoupés, retaillés.

À partir de 1858, il commande une nouvelle série de rois à deux sculpteurs, Jean-Louis Chenillon et Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume. Ceux-ci ont le souci d'individualiser chaque visage. Des inscriptions sur certaines statues ont révélé que Chenillon s'est inspiré des traits d'acteurs de cette restauration. Ainsi, le roi no 8 image 4 est un portrait de Viollet-le-Duc. De même, une statue en bronze représentant l'architecte en saint Thomas est érigée au pied de la flèche de la cathédrale. C'est cette galerie recréée qui est aujourd'hui visible sur le monument.

Une extraordinaire découverte

En 1977, lors de travaux de rénovation menés dans la cour d'un hôtel particulier de la Chaussée d'Antin (Paris, 9e arrondissement), des vestiges des sculptures originales sont découverts : 364 fragments, dont vingt et une têtes couronnées, sont identifiés comme provenant de la galerie des Rois.

L'hôtel Moreau-Lakanal avait appartenu à Jean-Baptiste Lakanal, frère d'un député de la Convention, dont il ne partageait toutefois pas les vues. On suppose qu'il aurait fait l'acquisition de ces sculptures, peut-être par souci de préservation.

Ces fragments ont été restaurés et déposés au musée de Cluny. Les vingt et une têtes présentent des traits individualisés image b : les visages, parfois glabres, parfois ornés de barbes, longues ou courtes, présentent des yeux larges ou étroits, plus ou moins globuleux, des fronts plus ou moins ridés. En revanche, les drapés, moins travaillés, diffèrent peu d'une statue à l'autre image c.

La tête no 20 image d a été identifiée au roi David, un fragment de sculpture de lion lui étant associé.

Les fragments révèlent l'influence du style du portail du Couronnement de la Vierge, situé sur le côté nord de la façade, décoré dans les années 1210-1215. Une tête d'ange image 5 provenant des voussures de ce portail présente ainsi des similitudes avec la tête no 6 image e, en particulier le décor du bandeau et des cheveux. Quant à ses yeux, ils sont comparables à ceux de la tête no 12 image f.

La façade de Notre-Dame de Paris a été épargnée par le terrible incendie qui a ravagé la cathédrale dans la nuit du 15 au 16 avril 2019. La réouverture récente du parvis permet à chacun d'admirer à nouveau la galerie des Rois telle que l'a conçue Viollet-le-Duc. Il faudra attendre la fin du chantier, prévue en 2024, pour pouvoir s'en approcher et entrer à nouveau dans l'édifice.

Notre-Dame au coeur de l'Histoire - Des Racines et Des Ailes

Marie-Bélisandre Vaulet

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/galerie-des-rois-de-la-cathedrale-notre-dame-de-paris

Publié le 21/04/2022

Ressources

La notice de la galerie des Rois par Xavier Dectot, publiée dans le catalogue en ligne Sculptures des XIe-XIIIe siècles. Collections du musée de Cluny (Éditions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, coll. « Catalogues des collections »)

https://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/collection/galerie-des-rois-notre-dame.php

La notice du retable de Saint-Germer de Fly par Xavier Dectot, publiée dans le catalogue en ligne Sculptures des XIe-XIIIe siècles. Collections du musée de Cluny (Éditions de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, coll. « Catalogues des collectio

http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=89

Une présentation de quatre des têtes originales de la galerie des Rois sur le site du musée de Cluny

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/tetes-rois-juda-notre-dame.html

Glossaire

Polychromie : Procédé qui consiste à appliquer différentes couleurs sur  une œuvre d’art ou un monument, ou à utiliser des matériaux colorés pour sa réalisation.

Chapiteau : Sommet sculpté de certaines colonnes.

Écoinçon : Encoignure sculptée dans une niche.

Contrefort : Pilier servant d’appui à un mur ou une voûte.

Chéneau : Conduit destiné à collecter les eaux de pluie.

Arcature

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