Pommes et oranges Cézanne Paul

Pommes et oranges

Auteur

Dimensions

H. : 74 cm ; L. : 93 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

Vers 1899

Lieu de conservation

France, Paris, musée d’Orsay

Quelle approche le peintre doit-il privilégier face à son motif ? Doit-il révéler ce qui en est perceptible dans une vision instantanée, ou bien en extraire par une observation répétée une connaissance intérieure ?

La nature morte est l'un des thèmes de prédilection de Paul Cézanne à la fin de sa carrière. Le peintre s'inscrit dans une tradition qui remonte à la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Dans ce registre, Jean-Siméon Chardin ou Édouard Manet, peintres français des XVIIIe et XIXe siècles respectivement, constituent pour lui des références plus proches. En précurseur de la modernité, Cézanne renouvelle ce genre de façon unique.

Une composition dynamique

Dans Pommes et oranges image principale, l'artiste opte pour une composition dynamique, construite selon une diagonale ascensionnelle. Il pose la problématique de la vue en perspective et de la perception de l'objet selon une approche globale. En effet, les différents éléments sont représentés selon de multiples points de vue, sans respect de la perspective traditionnelle. Pour le peintre, c'est le moyen d'observer les rapports entre les objets et l'espace. Alors que le plateau et le pichet sont montrés quasiment de face, l'ensemble de la composition est représentée vue du dessus.

Des couleurs qui participent à la dynamique

Cézanne combine et arrange différents espaces en utilisant une palette volontairement restreinte, constituée principalement de tons ocres, verts et bleus.

Le jaune et l'orange des fruits contrastent avec le blanc de la nappe et font écho aux tissus qui les environnent.

La tapisserie orientale image b, qui anime la partie gauche de l'œuvre, est présente dans de nombreuses compositions du peintre. Elle est encore visible dans son atelier des Lauves, à Aix-en-Provence, au moment de sa mort.

Sur la droite, la draperie aux feuillages image c a, elle aussi, été étudiée à de multiples reprises par Cézanne dès la fin des années 1880. On peut l'observer notamment dans le portrait de sa femme en robe rouge image 2, peint à partir de 1888.

La nappe image d elle-même n'est pas d'un blanc homogène : elle est teintée des couleurs des objets qui l'entourent, traduisant l'effet de la lumière sur l'espace. Le motif de la nappe blanche est présent dès les débuts des séries de nature morte du peintre image 1. Cézanne déclare en effet : « Toute ma jeunesse j'ai voulu peindre ça, cette nappe de neige fraîche. » Le travail des tons de blanc, la réflexion de la lumière sur l'immaculé du tissu fascinent l'artiste. Sous son pinceau, toute la nappe devient bientôt une mosaïque de l'ensemble des tons de la toile qui s'y reflètent. Selon Rilke, « c'est comme si chaque point du tableau avait connaissance des autres ».

Une représentation bien au-delà du quotidien

Cézanne cherche à traduire l'essence des objets qui l'entourent. Il opère son approche du motif avec un cadrage resserré : l'ensemble de la pièce n'apparaît pas sur la toile, tandis que la couleur unit les différents éléments représentés.

Le peintre aspire à une représentation des choses les plus simples dans leur plus profonde intériorité. Ainsi, à travers son regard, les éléments les plus humbles, pommes et oranges, prennent une dimension exceptionnelle. À propos de Cézanne, Gilles Deleuze écrit : « Le regard porté sur les pommes forme l'essence de son regard sur l'humanité. » Pour Maurice Merleau-Ponty, il est le peintre qui « pense en peinture ».

Un chef-d'œuvre annonciateur de l'art moderne

Le critique d'art Gustave Geoffroy image 3 acquiert Pommes et oranges auprès de Cézanne, puis revend la toile après la mort du peintre à la galerie Bernheim-Jeune. Isaac de Camondo l'achète quelques mois plus tard, puis la lègue au musée du Louvre en 1911, avec l'ensemble de sa collection.

Ainsi, en ce début de XXe siècle, ce chef-d'œuvre renouvelant l'art de la nature morte entre dans les collections nationales. Cézanne devient une référence pour de nombreux artistes. Déjà, en 1900, Maurice Denis lui rend un véritable hommage dans son grand portrait de groupe mettant en scène les Nabis rassemblés chez Ambroise Vollard, le marchand de Cézanne image 4. L'artiste a d'ailleurs choisi de placer sur le chevalet, situé au centre de la composition, l'une des natures mortes du peintre.

Les expériences picturales de Paul Cézanne nourriront les réflexions des peintres novateurs. Il est considéré comme le précurseur du cubisme et de l'art moderne.

Véronique Duprat-Roumier

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/pommes-et-oranges

Publié le 12/04/2021

Ressources

Glossaire

Nature morte : Représentation d’objets, de végétaux, de nourriture ou d’animaux sans vie.

Composition : Manière de disposer des figures, des motifs ou des couleurs dans l’élaboration d’une œuvre.

Perspective : Technique qui permet de représenter l’espace et les objets avec de la profondeur et des volumes sur une surface plane pour donner l’illusion de la troisième dimension.

Palette : La palette est la petite planche sur laquelle l’artiste dispose et mélange ses couleurs. Le terme désigne aussi l’ensemble des couleurs qu’il choisit pour une œuvre.

Cubisme : Courant artistique, né peu avant la guerre de 1914, dont les pionniers furent Pablo Picasso et Georges Braque. Il porte un nouveau regard sur l’objet, dont les volumes et les plans peuvent être représentés de manière stylisée et vus simultanément sous plusieurs angles. Il s’inspire à la fois des recherches formelles de Paul Cézanne et des arts premiers.

Précurseur : Personne qui par son action, ses théories, son art, ses idées…a devancé ou influencé un mouvement artistique, politique…, un courant de pensée, une découverte scientifique etc