Plaque du reliquaire de la Pierre du Sépulcre du Christ

Plaque du reliquaire de la Pierre du Sépulcre du Christ

Couvercle à glissière

Auteur

Dimensions

H. 42,6 cm ; L. 31 cm

Provenance

Constantinople (Istanbul)

Technique

Orfèvrerie, Repoussé (métal), Gravure (métal)

Matériaux

Or (métal), Argent doré

Datation

Seconde moitié du XIIe siècle

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

D’où vient ce superbe objet en argent doré ? Qu’est-ce que le reliquaire de la pierre du Saint-Sépulcre ?

Cette éblouissante plaque d'argent doré provient d'un somptueux reliquaire byzantin qui a abrité une pierre provenant du tombeau du Christ à Jérusalem, le Saint-Sépulcre. De cet objet malheureusement démonté et en partie détruit à la Révolution subsiste aussi le couvercle, orné de la croix du Christ [ détail e ].

Les reliques de la Passion du Christ à Constantinople

Les reliques du Christ sont les plus précieuses du monde chrétien, surtout celles de la Passion. Plusieurs, dont la croix, sont retrouvées à Jérusalem au IVe siècle en présence d'Hélène, la mère de l'empereur Constantin, qui les fait parvenir à son fils installé dans sa nouvelle capitale, Constantinople. La possession de telles reliques est considérée comme un signe de la protection divine sur le pouvoir impérial et confère un prestige considérable à l'empereur et à sa ville. Symbole de ce lien très fort entre le pouvoir politique et la religion chrétienne, les reliques sont conservées dans l'enceinte du palais impérial. Par la suite, le rôle religieux de Constantinople grandit encore, surtout après la prise de Jérusalem par les Arabes en 638. La ville accueille de plus en plus de reliques prestigieuses, du Christ et de la Vierge. L'empereur peut les offrir à ses alliés politiques pour renforcer les relations diplomatiques qu'il entretient avec eux et pour leur assurer une protection divine.

L'arrivée des reliques à Paris

En 1204, Constantinople est prise par les croisés. Confronté à de graves problèmes financiers, l'empereur Baudoin II vend à Louis IX, le futur Saint Louis, certaines de ses plus précieuses reliques, dont la croix, la couronne d'épines et la pierre du Saint-Sépulcre, qui arrivent à Paris en 1241. Le roi, dont la piété est grande, les accueille solennellement. Le prestige de ces reliques rejaillit sur le royaume de France. Elles reçoivent un écrin exceptionnel quand Saint Louis fait construire à Paris la Sainte-Chapelle, conçue à la fois comme la chapelle de son palais et un reliquaire monumental [ image 1 ].

L'aspect original du reliquaire

À la différence des autres reliques qui arrivent alors à Paris, la pierre du Saint-Sépulcre a conservé son reliquaire byzantin d'origine. Son aspect original est connu par des inventaires qui le décrivent et permettent de s'en faire une idée plus précise. C'était une boîte rectangulaire en bois, de plus de 40 cm de long. La plaque des Saintes Femmes au tombeau [ image principale ] en ornait l'un des côtés. Elle fermait à clé et comportait un couvercle coulissant [ détail e ] qui permettait d'accéder à la relique. Elle était peut-être suspendue. De nombreux reliquaires réalisés à Byzance à cette époque adoptent une forme identique, en particulier pour les reliques de la Passion [ image 2 ].

Une iconographie adaptée à la relique

La plaque représente la visite des Saintes Femmes au tombeau du Christ, un épisode qui se situe juste après la résurrection de Jésus. Selon les Évangiles, elles apportent des parfums et des aromates pour embaumer le corps du défunt. Dans les représentations byzantines, elles sont au nombre de deux, alors qu'en Occident, elles sont trois. Parmi elles figure Marie-Madeleine. Un ange assis les accueille et leur désigne le tombeau vide, où ne subsistent que des bandelettes et un voile. Les élégantes proportions des personnages et la souplesse des drapés sont caractéristiques de l'art byzantin de la seconde moitié du XIIe siècle. Les gestes sont empreints d'un grand raffinement, tel celui de la main droite de l'ange [ détail b ]. Les attitudes sont très expressives ; ainsi, la première des Saintes Femmes se détourne, surprise par l'apparition de l'ange [ détail c ]. Le texte grec situé au-dessus d'elles évoque d'ailleurs « la crainte et le trouble » qui les saisissent. Les visages sont allongés, avec de grands yeux et une petite bouche.

Le thème de la Résurrection est aussi évoqué sur le couvercle du reliquaire [ détail e ]. En effet, la croix du Christ, ornée de motifs en forme de pierres précieuses et entourée d'étoiles, s'élève au-dessus de longues tiges végétales qui semblent miraculeusement sortir à sa base.

En lettres d'or

La plaque présente de nombreuses inscriptions en grec, la langue officielle de l'Empire byzantin. Celles de la bordure sont extraites d'un hymne qui célèbre la résurrection du Christ. Empruntée aux Évangiles, celle du centre dans la partie haute cite les paroles de l'ange : « Venez et voyez le lieu où était le Seigneur » (Marc, XVI, 6 et Matthieu, XXVIII, 6) [ détail d ]. En bas, à gauche d'une partie abîmée, il est écrit « les gardes sont étendus comme morts ». Cette inscription prouve qu'à l'origine, à la place de cette lacune, figuraient les soldats qui, comme le rapportent les Évangiles, avaient été chargés de surveiller le tombeau du Christ.

Un revêtement doré du XIIe siècle

Décors et inscriptions sont réalisés au repoussé, en travaillant la feuille d'argent doré sur l'envers pour obtenir des reliefs sur l'endroit. Les orfèvres byzantins maîtrisent parfaitement cette technique pratiquée depuis l'Antiquité. Les lacunes permettent de voir l'âme de bois recouverte par endroits d'une couche de préparation pour de la peinture. Cet indice fait comprendre que le reliquaire a été réalisé en deux étapes : dans un premier temps ce n'était qu'une structure en bois peint. Ce décor original est d'ailleurs en partie visible sur l'envers du couvercle où une inscription, peinte à l'or sur fond bleu, mentionne le tombeau du Christ [ détail f ]. Le magnifique décor d'orfèvrerie a été réalisé dans un second temps : il date du XIIe siècle, à l'époque de la dynastie des empereurs Comnènes, qui ont porté un intérêt renouvelé aux reliques de la Passion.

La beauté de ce relief et l'intérêt des inscriptions l'ont sauvé des destructions révolutionnaires. Alors que tous les reliquaires de la Sainte-Chapelle disparaissent, la plaque et le couvercle de celui de la pierre du Saint-Sépulcre sont épargnés et envoyés au musée du Louvre en 1793. La relique est déposée au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France, puis au trésor de Notre-Dame de Paris en 1804. Elle disparaît lors des pillages qui suivent la révolution de 1830. Des reliques de la Passion achetées par Saint Louis ne subsistent plus aujourd'hui que la couronne d'épines et un fragment de la croix, conservés à Notre-Dame de Paris.

Ressources

Site officiel du musée du Louvre

http://www.louvre.fr

Glossaire

Relique : Reste du corps d’un saint personnage ou d’un objet lui étant associé.

Reliquaire : Boîte destinée à contenir une ou plusieurs reliques. Réalisée dans des matériaux divers, elle a une forme plus ou moins élaborée.

Passion : Dernière partie de la vie du Christ. Le Nouveau Testament rapporte les souffrances endurées par Jésus depuis son arrestation jusqu’à sa mise au tombeau.

Repoussé : Technique de métallurgie qui consiste à obtenir un motif en relief en travaillant une plaque de métal par l’arrière, en le « repoussant » à l’aide d’un poinçon.

Byzance : Antique cité grecque de Byzantium, située sur l’embouchure du Bosphore, Byzance est rebaptisée Constantinople lorsque Constantin en fait la capitale de l’empire romain d’Orient en 324. Conquise par les Turcs au XVe siècle, elle devient capitale de l’Empire ottoman, puis de la Turquie moderne sous le nom d’Istanbul adopté à partir de 1930. Le nom antique de la cité subsiste dans l’adjectif « byzantin », qui qualifie la civilisation de l’empire chrétien d’Orient du Ve au XVe siècle.

Sainte-Chapelle : Chapelle du Palais de l’île de la Cité à Paris, construite à l’initiative de saint Louis (Louis IX) et consacrée en 1348, afin d’abriter les reliques de la Passion du Christ.