Vierge ouvrante

Vierge ouvrante

Auteur

Dimensions

H. 48 cm ; L. 29 cm ; P. 12,5 cm

Provenance

Allemagne

Technique

Sculpture, Polychromie, Dorure

Matériaux

Bois, Pigments

Datation

Vers 1400

Lieu de conservation

France, Paris, musée de Cluny, musée national du Moyen Âge

Quel secret la Vierge ouvrante cache-t-elle ?

La Vierge ouvrante image principale est une sculpture en bois peint et doré qui présente une particularité remarquable : sa face, constituée de deux vantaux, peut s'ouvrir. Fermée image b, la statue montre une "Vierge à l'Enfant en majesté". Ouverte, elle devient une "Vierge de miséricorde", protégeant les fidèles. En son sein, se trouve une représentation de la Trinité, composée des figures de Dieu le Père et de son fils Jésus-Christ crucifié image c.

Le revers de l'œuvre image d est laissé brut, indiquant que la sculpture était destinée à être placée contre un retable ou un mur.

Cette œuvre aurait été créée en terres germaniques à la fin du XIVe siècle. Acquise en 1890 par le musée de Cluny, sa provenance exacte reste inconnue.

Le type statuaire de la Vierge ouvrante : une œuvre de dévotion originale

Protectrice de tous les chrétiens, Marie est par excellence la médiatrice entre Dieu et les hommes. Son culte connaît un vif essor dès le XIIe siècle, entraînant une riche iconographie qui a évolué au fil des siècles.

Celle de la Vierge ouvrante se développe dans toute l'Europe chrétienne, et particulièrement en Europe du Nord. Ces statues mobiles suivent le calendrier liturgique. À l'intérieur, certains éléments peuvent parfois être ôtés en fonction des fêtes religieuses, comme c'est le cas de la Vierge ouvrante conservée au Metropolitan Museum of Art, à New York image 1 image 2.

Marie, mère de l'Enfant Jésus

Fermée image b, la statuette du musée de Cluny se présente comme une simple "Vierge à l'Enfant".

Marie est présentée en "Vierge de majesté" image 3, assise sur un trône. De son bras droit, elle retient l'Enfant Jésus. Dans sa main gauche, elle tient une pomme, rappel de la faute commise par Ève : en cueillant et mangeant le fruit interdit, celle-ci avait désobéi à Dieu, qui l'avait chassée du paradis avec Adam (épisode de la Genèse). En donnant naissance au Christ, sauveur de l'humanité pécheresse, Marie, au contraire, obéit à Dieu elle personnifie le dogme de l'Incarnation.

Reine des Cieux, la Vierge est mère par excellence : celle du Christ, mais également celle de tous les chrétiens. Marie et l'Enfant Jésus image e, tous deux revêtus de l'or sacré, montrent une attitude douce et sereine. De la main droite, Jésus tient le doigt de sa mère, signe de tendresse traduisant la proximité toute humaine qui les unit de la main gauche, le geste de bénédiction qu'il effectue révèle sa nature divine.

Vierge de miséricorde

Quand la statue est ouverte, Marie apparaît comme une Vierge de miséricorde image principale. Son manteau symbolise l'Église protégeant toute la chrétienté image 4 image 5. Cette iconographie, assez rare, a été développée autour du XIIIe siècle par les cisterciens.

Sur le revers du manteau de la Vierge, deux groupes de personnages sont peints image f. lls implorent la Vierge de les prendre sous sa protection pour qu'elle intercède en leur faveur auprès de Dieu et obtienne son pardon.

Parmi ces personnages, figure sur le volet droit le donateur présumé image g, un chevalier de l'ordre teutonique. Créé en 1190, cet ordre était placé sous la protection de la Vierge Marie. Au temps des croisades, les chevaliers teutoniques avaient défendu les lieux saints puis, en territoire germanique, la foi chrétienne au sein des populations païennes de l'Europe orientale du nord-est. L'œuvre a sans doute été créée au sommet de leur pleine expansion.

Dans le ventre de Marie, la Trinité

Au centre du corps de Marie image c, apparaît Dieu le Père, sous les traits d'un homme aux cheveux blancs et barbu. Il tient dans ses mains les bras de la croix supportant le Christ crucifié. Cette représentation verticale de la Trinité est appelée Trône de grâce.

Le crucifix original en ivoire, aujourd'hui perdu, a été remplacé au XVIIIe siècle. La représentation de la colombe incarnant le Saint-Esprit a elle aussi été perdue.

Une image ambiguë très critiquée par l'Église

L'œuvre évoque la triple naissance du Christ : celle due à Dieu (le Trône de grâce), celle due à Marie (la Vierge à l'Enfant) ainsi que celle dans le cœur des hommes (la Vierge de miséricorde). Complexe, la sculpture définit avant tout Marie comme pilier de l'Incarnation.

Néanmoins, la signification de ce type de sculptures a parfois été mal interprétée. En effet, le fait de placer la Trinité dans le ventre de Marie a pu laisser penser que la Vierge était présentée comme la mère de Dieu, une ambiguïté qui a déplu à certains théologiens. Alors qu'il existait depuis le XIIe siècle et était l'objet d'une dévotion populaire, le type de la Vierge ouvrante est vivement critiqué à partir du XIVe siècle. Ces sculptures, occultées ou détruites, disparaissent à partir du XVe siècle, puis sont officiellement interdites par le concile de Trente en 1545.

La Vierge ouvrante en 3D

Marie Weigelt

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/vierge-ouvrante

Publié le 31/03/2022

Ressources

« Qu’est-ce qu’une Vierge de miséricorde ? », un article du blog Les Yeux d’Argus

https://lesyeuxdargus.wordpress.com/2014/03/31/quest-ce-quune-vierge-de-misericorde/

En savoir plus sur le dogme de l’Incarnation sur le site Opus Dei

https://opusdei.org/fr-fr/article/lincarnation/

La notice d’une "Vierge en majesté" du musée de Cluny sur le catalogue en ligne Sculptures des XIe-XIIIe siècles : collections du musée de Cluny

https://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=1152

La notice de l’œuvre sur le site du musée de Cluny – musée national du Moyen Âge

https://www.musee-moyenage.fr/collection/oeuvre/vierge-ouvrante.html

Le site internet du musée de Cluny – musée national du Moyen Âge

https://www.musee-moyenage.fr

Un article sur les vierges ouvrantes publié en 1914 dans le "Bulletin monumental", sur le portail Persée

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1914_num_78_1_11672_t1_0196_0000_2

Glossaire

Ordre cistercien : Le mot « cistercien » vient du nom de l’ordre et de l’abbaye de Cîteaux, fondés par Robert de Molesme à la fin du XIe siècle. L’ordre est réformé au XIIe siècle par Bernard de Clairvaux, qui en devient le maître spirituel. Il désirait revenir aux principes de simplicité et de pauvreté dictés par la règle de saint Benoît, en opposition aux riches monastères bénédictins, comme Cluny, qui s’en étaient éloignés.

Iconographie : Ensemble des images correspondant à un même sujet. On parle de programme iconographique lorsqu’un décor en plusieurs parties regroupe de manière cohérente différents sujets autour d’un même thème.

Donateur : Personne qui offre à une institution une œuvre d’art.

Statue : Sculpture en trois dimensions réalisée dans différents types de matériaux (pierre, bois, métal, terre).

Incarnation : Mystère et dogme qui, dans la religion catholique, veut que Dieu se soit fait homme en Jésus-Christ.

Trinité : Dans la théologie chrétienne, incarnation de Dieu en trois personnes indivisibles et uniques par nature : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Calendrier liturgique : Pour les chrétiens, l’année est ponctuée de fêtes fixes et mobiles célébrant des événements de la vie du Christ. Le calendrier liturgique établit l’année liturgique, qui débute le premier dimanche de l’avent et s’achève le dernier dimanche de novembre.

Vantail : Panneau mobile. Le terme s’applique à l’architecture (vantail d’une porte), au mobilier (vantail d’une armoire), à la peinture et à la sculpture (retable).

Retable : Œuvre peinte ou sculptée, placée sur l’autel d’une église.

Genèse : Premier livre de la Bible racontant la Création du monde par Dieu.

Ivoire : Matière blanche et dure provenant des dents ou des défenses d’animaux (cachalot, mammouth, éléphant…).

Concile : Assemblée d’évêques réunis pour résoudre les questions qui peuvent se poser sur le dogme, la morale ou la discipline ecclésiastique.