Bethsabée au bain Rembrandt

Bethsabée au bain

Auteur

Dimensions

H. : 142 cm ; L. : 142 cm

Provenance

Technique

Peinture

Matériaux

Huile sur toile

Datation

1654

Lieu de conservation

France, Paris, musée du Louvre

Portrait de femme nue ou scène biblique ?

C'est en 1654, à l'âge de 48 ans et parvenu au faîte de sa renommée, que Rembrandt image 1 peint ce tableau, Bethsabée au bain image principale. Au premier plan, une femme nue, parée de quelques bijoux et tenant une lettre, est assise et se fait essuyer les pieds par une femme âgée, sans doute une servante détail c. Le linge blanc froissé détail b sur lequel elle se tient évoque la chemise qu'elle a retirée. Au second plan, un riche brocart image d est visible entre les deux figures. La scène se déroule dans une pièce obscure, dont on devine l'architecture à l'arrière-plan. La lumière forte qui frappe le nu monumental, grandeur naturelle, le désigne comme l'élément principal du tableau. .

Un thème biblique

Par le bassin sur le sol et le tissu d'or, Rembrandt évoque l'Orient ancien, où se déroule la scène. Il s'agit d'un épisode de l'Ancien Testament tiré du Deuxième Livre de Samuel, décrivant le règne du roi David (vers 1000 av. J.-C.).

Se promenant la nuit sur la terrasse de son palais à Jérusalem, David aperçoit une très belle femme en train de se baigner. Apprenant qu'il s'agit de Bethsabée, épouse d'Urie, un soldat hittite, il la fait chercher par un messager. Elle tombe enceinte suite à leur union. David envoie alors Urie au front, « en première ligne ». Ce dernier est tué d'une flèche tirée depuis les remparts de Rabbah. Le deuil passé, Bethsabée devient l'épouse du roi. Par ce double péché – l'adultère et la mort d'Urie –, David perd son statut de roi modèle, célébré pour avoir scellé l'alliance de son peuple avec Yahvé. Il reçoit les reproches du prophète Nathan pour avoir offensé Dieu. Le fils mis au monde par Bethsabée meurt par châtiment divin.

L'originalité de Rembrandt

S'il puise très souvent ses sujets dans la Bible, Rembrandt a pour habitude de les traiter de façon très personnelle. Ainsi ne voit-on ici ni le messager, ni David observant Bethsabée, épisodes traditionnellement choisis par les peintres image 2. En revanche, Rembrandt place au cœur de sa toile, presque au centre, une lettre tout juste décachetée dont on ignore le contenu détail e. S'agit-il de l'invitation de David ? De l'annonce faite à Bethsabée de la mort de son époux ? Si la toilette semble indiquer des préparatifs pour une rencontre, Rembrandt laisse une part d'indécision, préférant se concentrer sur les pensées de la jeune femme, peut-être en proie à un conflit intérieur.

Peinture religieuse ou portrait ?

Au moment où il peint ce tableau image principale, Rembrandt vit avec Hendrickje Stoffels, entrée à son service comme servante avant de devenir sa concubine. Tout comme il a peint son épouse Saskia, décédée en 1642, dans des portraits traditionnels image 3 ou « historiés » image 4, il réalise plusieurs portraits d'Hendrickje image 5, dont on reconnaît les traits en Bethsabée. Peut-être ce corps nu est-il, tout autant que la représentation du personnage biblique, celui d'Hendrickje déshabillée, posant pour son compagnon alors qu'elle est enceinte de leur fille Cornelia.

Un nu dans la veine des grands maîtres italiens

Le grand format s'approchant du carré est plutôt rare dans l'œuvre de Rembrandt et dans la peinture néerlandaise en général. S'il est peut-être dû au découpage de la toile à une époque postérieure, ce type de format existe néanmoins à Venise. Rembrandt n'a certes pas voyagé en Italie, mais il possède une vaste connaissance de l'art de la péninsule.

Quant au nu monumental, il est lui aussi peu fréquent dans la tradition nordique. Son traitement sensuel trouve son origine chez les Vénitiens dont Rembrandt n'a pas vu les tableaux, mais qu'il connaît par le biais des gravures et des dessins qu'il collectionne lui-même. On peut ainsi trouver d'autre nus chez Titien, Véronèse image 6 ou encore Tintoret image 7. En revanche, le traitement de Rembrandt est davantage naturaliste.

Un tableau sujet d'études et de spéculations

Des études scientifiques récentes ont révélé de nombreuses reprises au cours de l'exécution de l'œuvre, selon une pratique courante chez Rembrandt. La position des jambes ainsi que celle des mains et de l'avant-bras gauche ont été modifiées. Surtout, la tête, à l'origine peinte de trois quarts, en arrière, le regard levé, a dans un second temps adopté la position fortement inclinée vers l'avant détail f. Cela corrobore l'idée que Rembrandt a finalement souhaité traduire la tension et l'isolement de Bethsabée, débarrassant son récit de toute dimension anecdotique et lui conférant une puissante mélancolie.

À défaut de connaître le commanditaire du tableau, la destination de celui-ci et les convictions profondes du peintre (était-il catholique ou protestant ?), nombre d'interrogations restent sans réponse. Ce magnifique clair-obscur, brossé à larges traits avec de puissants empâtements et de somptueux glacis, apparaît avant tout comme une méditation grave sur le destin de Bethsabée, qui donne par la suite naissance à un second fils, le futur roi Salomon, l'un des ancêtres du Christ.

Étude de la Bethsabée au bain de Rembrandt, une vidéo du musée du Louvre

Stéphanie Cabanne

Permalien : https://panoramadelart.com/analyse/bethsabee-au-bain

Publié le 18/01/2019

Ressources

La notice de l’œuvre sur le web site du Musée du Louvre

https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010060453

La restauration de l’œuvre sur le site du Centre de recherche et de restauration des Musées de France (C2RMF)

http://c2rmf.fr/actualite/restauration-de-la-bethsabee-au-bain-de-rembrandt

Si le Louvre m'était conté… Bethsabée, une vidéo de la Société du Musée du Louvre

https://www.youtube.com/watch?v=WP4mRjt6EUY

Glossaire

Empâtement : Relief obtenu par l’application d’une épaisse couche de peinture.

Clair-obscur : Répartition des ombres et des lumières sur une peinture, de telle sorte que les couleurs les plus sombres se juxtaposent aux plus claires et produisent un fort effet de contraste.

Glacis : Technique dans la peinture à l’huile consistant à employer une matière picturale riche en liant (huile) et pauvre en pigments. Les glacis translucides et à peine colorés sont posés en couches superposées pour obtenir des dégradés subtils et des effets de texture et de relief. Les peintres l’utilisent notamment pour donner vie aux carnations (traitement de la peau).